Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse St Pierre et St Paul
en Val d’Azergues.
Neuf clochers – Lyon
Quelqu’un d’autre
Dimanche du Christ roi de l’univers
Le 26 novembre 2017, année A
Lectures :
Ez 34,11-12.15-17 : … voici que je vais juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs.
1 Cor 15,20-26.28 : Frères, le Christ est ressuscité d’entre les morts…
Mt 25,31-46 : Venez, les bénis de mon père…. Car j’avais faim, et vous m’avez donnée à manger…
Hier soir, j’ai eu une idée de raconter pendant l’homélie au cours de la messe de familles à Civrieux, une histoire dont le protagoniste portait un nom tout particulier. Il s’appelait « Quelqu’un d’autre »
Aux enfants et jeunes j’ai posé d’abord la question préliminaire ?
Ça vous dit quelque chose ?
Vous connaissez l’histoire de ce Quelqu’un d’autre?
On dit souvent que les enfants d’aujourd’hui ne sont pas comme d’autrefois, mais ceux qui étaient hier à la messe, au moins la bonne partie d’eux, tout de suite ont tilté et hochant la tête, m’ont confirmé qu’ils connaissent le personnage en question.
Alors, j’étais bien assuré que je ne parlerai pas d’un quelqu’un inconnu, mais au contraire…
N’est-il pas vrai que Quelqu’un d’autre vit parmi nous. C’est une gentille personne, serviable, à l’écoute des autres.
Il a des sœurs et des frères, des collègues, des amis… comme chacun de nous.
Il habite un peu partout.
Je le soupçonne même – j’ai dit à mes jeunes interlocuteurs – d’habiter dans votre maison, chez vous probablement aussi…
Alors… chaque fois qu’il faut sortir la poubelle, ou mettre la table, ou passer l’aspirateur, ses frères et sœurs disent : nous n’avons pas le temps, nous sommes fatigués… Quelqu’un d’autre le fera bien !!!
A l’école, c’est pareil : lorsqu’il s’agit d’aider la maitresse, ou laver le tableau, ou aller chercher le journal de classe, l’un de ses copains dit : je ne sais pas faire, Quelqu’un d’autre le fera à ma place…
Les enfants et le jeûnes présents à la messe ont bien ainsi compris la morale de l’histoire… Ils ont compris que se dédouaner de ses propres responsabilités n’est pas une conduite mure, digne des disciples du Christ…
J’en étais satisfait…
Cependant, je me suis vite interpelé :
Ce Quelqu’un autre vraiment n’appartient qu’au monde d’enfants ?
Mes frères et sœur bienaimés, ne nous voilons pas la face, Quelqu’un d’autre n’habite pas que là où il y a des enfants et des jeunes.
Dans le monde des adultes, il est aussi célèbre…
Par exemple, lorsqu’il faut aider un nouvel employé à comprendre le fonctionnement de l’entreprise … très souvent on entend : moi, je ne peux pas, je pars en week-end, moi, j’ai suffisamment de travail, que Quelqu’un d’autre le fasse…
Ou bien lorsqu’il faut choisir quelqu’un pour oser affirmer une vérité à un responsable ou à un politicien…
Du silence, une voix se lève : Quelqu’un d’autre pourrait le faire…
Même dans certaines paroisses hélas, Quelqu’un d’autre est très connu….
S’il faut soutenir financièrement un projet paroissial, ou s’impliquer dans la pastorale des enfants et des jeunes ou préparer une salle pour une conférence et un événement, ou installer une crèche… la majeure partie des paroissiens pense que Quelqu’un d’autre le fera à sa place.
Que cela ne le concerne pas personnellement.
Ainsi, chacun peut retourner tranquillement à la maison…
A présent, mes frères bienaimés, avez-vous bien cerné qui est ce Quelqu’un d’autre ?
Si je vous ai aussi conté cette histoire, c’est afin de vous aider à mieux comprendre l’Évangile d’aujourd’hui…
Car l’Évangile ne connaît pas Quelqu’un d’autre. L’Évangile nous dit clairement, c’est à toi de faire ce qu’il faut faire.
Quelqu’un d’autre ne devrait pas exister chez nous
Car il n’a pas de visage, il n’a pas non plus de nom…
Par contre nous, nous existons, nous portons des noms distincts et nos visages nous différencient, faisant de nous des personnes concrètes, en chair et en os, uniques.
Donc c’est à nous qu’il revient de nourrir celui qui a faim, de donner à boire à ce lui qui a soif, de vêtir celui qui est nu… de lui rendre visite lorsqu’il est malade ou en prison…
Et si nous étendons l’Évangile sur d’autres cas de la vie, nous pouvons conclure tout simplement : c’est à nous de sortir la poubelle, c’est à nous de mettre la table, de ranger la chambre…
Au travail, c’est à nous d’accompagner le nouvel embauché, c’est à nous de nous opposer à la course effrénée au profit ou de contrer le syndicat qui bloque toute réforme dans l’entreprise.
Dans la vie sociale et politique c’est à nous de prendre la parole pour défendre les valeurs, de nous opposer à tout ce qui dégrade la famille et les relations humaines, de reprendre le maire s’il fait tout et n’importe quoi…
Enfin, à la Paroisse, c’est à nous de prendre soin d’elle, de l’imaginer et de a faire grandir….
L’Église n’est pas un magasin où il y a d’un côté des commerçant – le curé et ceux qui l’aident, et de l’autre des consommateurs qui viennent faire leurs courses spirituelles une fois par semaine, une fois par mois ou de temps en temps, demandent un baptême, des funérailles pour leurs proches…
Cette conception de l’Église est complètement païenne…
L’Église – donc la paroisse – est une communauté de disciples qui s’efforcent de suivre le Christ de près… et d’assumer leurs responsabilités aussi bien dans la vie privée que dans la vie publique.
La foi en Dieu associée à la responsabilité et au sérieux est, – devrait – être, notre marque de fabrique… c’est à nous donc – et non pas à quelque autres – qu’incombe la mission d’annoncer le royaume des cieux qui nous est confié…
Sinon, nous pourrions être bien étonnés, à la fin des temps – au jugement dernier dont nous parle l’Évangile du jour – d’entendre notre Maître et Ami, Jésus Christ nous dire :
Toi, je ne te connais pas, passe à gauche avec les boucs… c’est Quelqu’un d’autre qui ira à la vie éternelle…
Amen