Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse st Pierre et st Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon
Chrétien étoilé
7ème dimanche du temps ordinaire, année C,
le 24 février 2019
Lectures :
1 Sm 26,2.7-9,12-13.22-23 : Aujourd’hui Dieu a livré ton ennemi entre tes mains.
1 Cro 15,45-49 : Le premier homme, Adam, devint un être vivant ; le dernier Adam- Le Christ – est devenu
l’être spirituel qui donne la vie.
Lc 6,27-38 : Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent.
Un mois déjà depuis que s’est déroulée la cérémonie organisée salle Gaveau à Paris à l’occasion de la nomination par le Guide Michelin de ses 75 nouveaux restaurants étoilés.
J’ai ainsi pu y apprendre que seulement 16% des tables en sont honorées…, puisque choisies rigoureusement selon cinq critères : la qualité des produits, la maîtrise des cuissons et des saveurs, l’originalité du chef dans ses plats, la régularité dans le soin et la qualité apportés à ses mets et le rapport qualité-prix.
Après un tel passage au crible, rien d’étonnant à ce que la cérémonie ait fait des heureux, pleurant de joie et d’émotion en se voyant attribuer un macaron, mais qu’elle ait également fait aussi… des malheureux, stupéfaits d’avoir été déclassés.
En les voyant et pensant à tous ceux qui n’étaient pas primés m’est venue à l’esprit la phrase archiconnue de l’Évangile, notée par Mathieu :
Il y a beaucoup d’appelés, mais peu d’élus.
Sur les 4500 restaurants sélectionnés, seulement 27 arborent trois étoiles, 85 en ont deux, et 520 une seule.
Malgré cette rigueur draconienne, je n’ai pas remarqué de gens scandalisés par la sévérité des juges… Tous ont bien admis que le talent associé au travail consciencieux et à la volonté de fer mérite récompense !
De surcroît, ils savent bien que l’étoile n’est pas une sorte de médaille accordée une fois pour toutes… Elle est plutôt un défi permanent… Il est donc impératif de maintenir le niveau si l’on ne veut pas un jour être rétrogradé.
Frères et sœurs bienaimés,
Évidemment, la foi en Dieu ne peut être mesurée comme l’on vérifie les qualités gustatives, la manière d’accueillir un client et le servir à table.
Dieu le Père, je vous l’assure, ne se consulte pas avec son Fils et l’Esprit Saint en vue de primer telle ou telle personne…
L’Église n’est pas non plus une école où l’on teste et note – comme c’était le cas autrefois – les mauvais élèves coiffés d’un bonnet d’âne.
La foi, même si elle est pratiquée de façon communautaire, reste une relation personnelle et intime avec Dieu. Lui, comme un père aimant et juste, se réjouit de tout ce qui fait du bien son enfant, même le plus difficile qui ne progresse pas trop en sagesse.
N’avez-vous pas connu, dans votre propre famille, des enfants désobéissants ?
Des frères ou sœurs insupportables, difficiles à canaliser, impossibles à cadrer et à mettre à l’unisson du reste de la famille ?
Eh oui, sans doute… pourtant, ils font toujours partie des vôtres, bien que les relations ne soient pas forcément chaleureuses et fréquentes.
Alors, nous sommes d’accord, la foi et l’Église n’ont rien de commun avec le mode opératoire de l’un des plus anciens et plus célèbres guides gastronomiques du monde, qui décerne ses étoiles aux meilleures enseignes.
Cependant, je me dis que si nous, en notre for intérieur, faisions un jeu éducatif, un exercice atypique pour nous faire accorder des précieux macarons ou pas ?
Bien sûr, il ne s’agirait pas de faire gonfler nos chevilles ou faire tomber notre moral dans les chaussettes, mais de comprendre où nous en sommes sur le chemin de la sainteté.
J’y progresse ou, au contraire, je stagne ou pire, je régresse ?
Ai-je l’ambition d’être disciple du Christ qui donne l’envie aux autres de croire ou suis-je plutôt celui que cela révulse ?
A mon avis, cet exercice pourrait être fortement profitable pour chacun de nous.
Il pourrait nous aider à réaliser l’état de notre vie de chrétien aujourd’hui, car, selon moi, nous manquons cruellement de discernement, de prise de conscience et surtout de la volonté …
Il y a trois semaines, une personne m’a apostrophé à la sortie d’une messe. Gentiment, elle m’a reproché que dans l’édito du dimanche de la confirmation des jeunes de notre paroisse par notre évêque, je l’aurais traitée de poule… [1]
Souvenez-vous de cet édito-là et de ses trois exemples clé : la colombe, la poule et l’aigle…
J’y parlais des chrétiens autosuffisants et contents d’eux-mêmes – à l’instar des poules assises sur le perchoir – impassibles, indifférentes, pourvu que leur nourriture soit abondante.
Sur le coup, j’étais heureux de son propos, c’était au moins le signe que cette personne lit les feuilles paroissiales…
Toutefois, une réflexion m’a ensuite interpellé…
Pourquoi s’était-elle reconnue dans l’image d’une poule ?
Je ne l’avais pas pointée explicitement, tout de même !
Donc, si elle s’était reconnue comme telle, pourquoi s’en est-elle indignée au lieu de se dire : je dois tout simplement changer et tâcher de devenir un aigle intrépide visant les hauteurs du firmament céleste !
Mes frères et sœurs bienaimés,
Trop souvent, il nous manque l’ambition des saints que nous admirons tant…
Pourtant, eux n’ont pas forcément inventé la poudre !
Ils ne faisaient qu’appliquer l’Évangile de ce dimanche, jour après jour, parfois ou souvent contre vents et marées…
Ainsi, ils bénissaient ceux qui les maudissaient…
Ce qu’ils souhaitaient que les autres leur fassent, ils le faisaient eux -mêmes…
Ils aimaient leurs ennemis, ils étaient miséricordieux, ils pardonnaient, ils ne condamnaient pas, car ils avaient bien compris que la mesure dont ils se servaient pour les autres, servirait de mesure aussi pour eux.
Ainsi, le texte de l’Évangile d’aujourd’hui était-il pour eux une véritable feuille de route – un véritable guide de sainteté !
J’admets volontiers que son contenu donne le vertige.
Inévitablement, il propulse vers les hautes sphères…
Et notre vocation n’est-elle pas, en vérité, d’atteindre le ciel, de voler en altitude, d’avancer vers le large ?
Saint Paul, dans sa première lettre aux Corinthiens, est très explicite : le deuxième homme, lui, vient du ciel. Comme le Christ est du ciel, ainsi, les hommes seront du ciel.
Alors, si le Christ propose un programme tellement exigeant, c’est peut-être qu’autrement il le jugerait utopique ?
Bien sûr que non !!! d’ailleurs, la vie de tant de saints et saintes prouve que ce programme est effectivement réaliste et peut être mis en place, à condition de l’associer à la rigueur, à la volonté déterminée et au travail assidu.
Aussi, lors de la soirée de gala dont je vous ai parlé tout à l’heure, au cours des remerciements pour sa troisième étoile, un des chefs primés, d’origine étrangère, tout ému, disait à peu près cela :
J’en ai fait des sacrifices !!!
J’ai quitté mes parents, l’Argentine mon pays, j’ai tout laissé, en quête de l’excellence !
Et sa femme, pas moins émue, rajoutant : il nous a fallu persévérer…, ne pas vouloir lâcher la passion…
Et nous, pourrions-nous en dire autant, parlant de la sainteté ?
N’avons-nous pas, par inadvertance, mis de côté la passion d’être saints ?
Mes frères bienaimés, la sainteté n’est pas une grâce exclusive, distribuée aux élites choisies d’avance et arbitrairement.
Elle est plutôt comme une graine semée en nous le jour du baptême…
Elle nous est donc confiée… Son avenir dépend de nous…
Soit nous prenons soin d’elle quotidiennement, soit nous l’oublions…
A nous de jouer le jeu !
Et ne vous inquiétez pas si, pendant l’exercice que je vous ai proposé, vous n’avez pu vous accorder aucun macaron ou seulement un seul…
Ce n’est pas un réel problème… toute amélioration commence par le début.
Il ne faut jamais abandonner ses rêves : l’espoir est le commencement de toute chose… [2]
Je souhaite donc, mes chers frères et sœurs bienaimés, que vous tous deveniez des chrétiens étoilés…
Que nous tous devenions, même… allez ! de triples étoiles….
Amen
[1] C’était pour le dimanche du 20 janvier 2019, 2 dimanche du temps ordinaire. Cette feuille paroissiale est consultable sur le site de la paroisse : www.neufclocherslyon.fr
[2] Anonyme, in : http://evene.lefigaro.fr/citations