Par ses blessures, nous sommes guéris 3ème dimanche de Pâques, année B Le 18 avril 2021

Publié le Publié dans Homélies

Lectures :

Ac 3,13-15.17-19 : Convertissez-vous donc et revenez à Dieu pour que vos péchés soient effacés.

1 Jn 2,1-5a : … je vous écris pour que vous évitiez le péché.

Lc 24,35-48 : Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os

A franchement parler, mes frères et sœurs bienaimés, je ne sais pas comment je réagirais face à ma maman ou mon papa défunts s’ils se présentaient à moi bien vivants…

Je ne serais sans doute pas « tout feu tout flamme » !

L’étonnement, l’incrédulité, la frayeur, l’angoisse me saisiraient, comme ce fut le cas pour les pauvres apôtres.

Ils avaient encore, présente à eux, l’image toute fraîche du Christ, leur Rabbouni : jugé, hué, couronné d’épines, roué de coups, traîné dans les rues de Jérusalem, flagellé puis crucifié atrocement, comme un vulgaire criminel.

Ils ont ainsi assisté, du moins de loin, à sa mort imminente. Jean était même au pied de la croix.

Ensuite, ils se remémoraient son enterrement à la hâte et de cette grosse pierre, telle la roue d’un moulin, servant à clore la tombe.

De tout cela, ils se souvenaient très bien.

Mais aussi de leur lâcheté motivée par la peur. Les apôtres n’avaient donc pas de quoi être fiers. Leur courage éphémère leur avait suffi les quelques premières minutes dans le jardin de Gethsémani lorsque le Christ avait été arrêté…

Après… ce ne fut que débâcle.

          Et tout à coup, ce Christ, abandonné et torturé à mort surgit devant eux !

De quoi être ébranlé, non ?

Il a suffi de sa parole apaisante : la paix soit avec vous pour qu’ils se reprennent ; mais pas totalement !

La nouvelle était trop invraisemblable ! un mort vivant ?

Leur esprit cartésien ne pouvait l’admettre. Et les lois de la physique, où étaient-elles passées ? Comment un être humain qui avait rendu son dernier soupir pouvait-il se tenir là, sain et sauf ?

Malgré la douceur de la salutation, l’esprit des apôtres reste bouleversé.
Il faut au Christ montrer encore ses mains et ses pieds transpercés pour qu’ils retrouvent un peu de lucidité : ouf, ce n’est pas un fantôme !!! c’est notre Maître.

          Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous mais voir les plaies du Christ, les toucher même, comme le fit Thomas, fut le moment décisif, pour les apôtres, de croire enfin en la résurrection.

Les plaies étaient la preuve tangible que Jésus avait bel et bien été mis à mort.

S’il revenait à présent parmi les vivants, ses plaies devenaient comme le sceau d’un document officiel : elles certifiaient la véracité de cette mort.

        Si j’insiste sur ce moment particulier, c’est que dans notre vie, les plaies et les blessures, même celles cicatrisées depuis longtemps, sont le témoignage d’un évènement important – parfois dramatique – qui a eu lieu dans notre vie.

Je ne parle pas, bien sûr, des cicatrices causées par une bêtise ou une maladresse.

Je ne parle pas non plus de bosses survenues par exemple lors d’un accident de trottinette.

Je pense plutôt aux balafres qui nous sont restées après un choix délibéré, lorsque nous nous sommes engagés à défendre un innocent, une valeur ou une idée … et où, dans le vif du combat, nous avons été blessés.

Depuis, nous portons sur notre propre corps les stigmates de notre passé qui ne s’effaceront pas, malgré les années écoulées…

De temps en temps, à l’occasion d’une baignade ou d’un examen médical, nous entendons la même question : oh, vous avez une cicatrice ici, pourquoi?

Alors, parfois à contrecœur, nous nous mettons à raconter ce qui s’est passé pour satisfaire la curiosité du demandeur.  

           Le Christ montrant ses plaies revient aux sources de sa mission, rappelant aux apôtres pourquoi il avait dû en passer par là.

L’Evangéliste l’a d’ailleurs bien noté : il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Ecritures.

Néanmoins, ses paroles n’auraient pas la même portée si le Christ n’avait pas fait la démonstration de ce qu’avait subi son corps. Les marques des clous en était leur meilleure attestation.

Pierre, le premier pape, l’avait bien vu.

Dans sa première lettre, il écrivait :

Lui-même a porté nos péchés dans son corps, sur le bois, afin que, morts à nos péchés, nous vivions pour la justice. Par ses blessures, nous sommes guéris (1P 2,24).

Enfin, les apôtres ont compris que le Christ n’a pas été crucifié d’abord à cause de la jalousie des chefs du peuple et de la folie de la populace remontée contre lui.
Personne n’a ôté la vie au Christ. Il l’a offerte librement, sciemment, pour le salut du monde, donc pour chacun de ses disciples, d’hier et d’aujourd’hui.[1]
Les apôtres ont compris que le sacrifice du Christ était – comme autrefois les offrandes expiatoires organisées au Temple – une rançon pour le péché.
Le Christ meurt donc pour que l’homme ait la vie.

Pour illustrer ceci, je recours à l’imaginaire collectif :

Pendant la guerre, un soldat périt dans une tranchée afin que la patrie vive,
garde sa liberté et que, par conséquent, sa famille puisse passer une vie normale et paisible.

Certes, la famille concernée est gravement touchée par la perte de l’un des siens. Elle porte longtemps, si ce n’est jusqu’à son extinction, la blessure causée par cet acte héroïque. Elle est donc lourde de conséquences… mais qu’elle est glorieuse, cette blessure-là !!!

Elle est un titre de fierté, une référence. On la relate aux autres : notre grand-père, notre oncle, notre frère se sont battus, se sont sacrifiés jusqu’au don de leur vie afin que nous puissions vivre en paix, dans un pays de bien-être, et où la justice est respectée.

              Mes frères et sœurs bienaimés, aujourd’hui, je voudrais vous inviter à contempler une fois de plus les mains, les pieds et le côté de notre Seigneur.

Pourquoi ne pas prendre votre crucifix suspendu au mur de votre chambre ? Embrassez-le…
Regardez ensuite la marque des clous, afin que votre foi en la résurrection se fortifie.

Et surtout, j’aimerais que vous puissiez vous poser cette question :

Quelle blessure porté-je, sur mon corps ou sur mon âme ?

Par qui, par quoi suis-je blessé ?

Peut-être certaines de mes plaies ne sont-elles pas encore cicatrisées, parce que trop récentes, trop profondes ?

Regardez-les de près… et discernez.

Sont-elles des blessures reçues pour de nobles causes ?

Parce que vous vous êtes battus pour les autres, pour la justice, pour la vérité ?

Ou plutôt, sont-elles la conséquence de votre entêtement, de votre égoïsme, de votre envie d’avoir toujours plus ?

Je ne vous jugerai pas… et Dieu non plus.

Sachez pourtant que ces dernières ne vous anoblissent point.

C’est le temps d’en finir donc.

Pâques, c’est le moment opportun de passer outre et de s’affranchir de l’autocélébration de nos propres souffrances.


Par les blessures du Christ, le monde a été sauvé :

c’est le temps pour qu’en cas de blessures, ces blessures soient glorieuses !

Rédemptrices ! telles celles du Christ.

                                                                                                     Amen.


Père Przemek KREZEL, curé +


[1] Cfr., Jn 10,17-18 : Voici pourquoi le Père m’aime : parce que je donne ma vie, pour la recevoir de nouveau. Nul ne peut me l’enlever : je la donne de moi-même.