Lectures :
Is 55,6-9 : Cherchez le Seigneur tant qu’il se laisse trouver
Ph 1,20c-24.27a : En effet, pour moi vivre, c’est le Christ, et mourir est un avantage.
Mt 20,1-16a : N’as-tu pas été d’accord avec moi pour une pièce d’argent ?
Je pense qu’inconsciemment, le cadre de lecture de la parabole des ouvriers de la dernière heure que je viens de proclamer est déformé par la notion de lutte des classes si chère aux communistes de toutes races et de toutes chapelles, si je puis m’exprimer ainsi.
Depuis le Printemps des peuples, ladite lutte, popularisée par Marx et Engels, oppose systématiquement le travail au capital, le prolétariat à la bourgeoisie, les dirigeants aux syndicalistes, bref, l’ouvrier à son maître.
A force de ressasser que cette lutte est le moteur des transformations de la société et de l’histoire, on a fini par croire que cette lutte est inhérente au progrès du monde.
D’ailleurs, cette lutte prend toujours plus d’ampleur et élargit son champ d’action car l’on veut à tout prix nous persuader à présent qu’elle met en opposition les souverainistes et les indigénistes, les autochtones et les immigrés, la majorité et les minorités, les hétérosexuels et les homosexuels, les blancs et les anti-racistes.
Il suffit pourtant d’une légère recherche dans les sources et les statistiques et un regard un peu approfondi sur le réel pour s’apercevoir que cette soi-disant lutte est marginale.
En revanche, il y a des groupuscules idéologiques qui répètent en boucle des faits isolés en vue de faire du bruit médiatique autour d’eux. Ce sont les mêmes également qui revisitent l’histoire sous un angle restreint choisi d’avance et hors contexte dans le seul but de maintenir la société dans la conviction qu’elle est en permanence prise dans un combat et qu’elle est définitivement divisée, voire déchirée.
De même, l’Evangile du jour pourrait être victime de cette lecture partisane et partiale. Par conséquent, le regard du lecteur se porte spontanément sur la relation entre les ouvriers de la première heure qui ont travaillé toute la journée et le maître qui décide de payer autant les derniers ouvriers que les premiers.
Aujourd’hui, je vous propose de
porter votre attention exclusivement
sur les relations entre les ouvriers eux-mêmes.
Trop souvent concentrés sur l’axe patron-employé, nous passons complètement à côté de celui employé-employé et pourtant, cette observation est intéressante et nous permet d’apprendre beaucoup sur nous.
L’axe en question est également intéressant car aujourd’hui, nous nous retrouvons à la sainte messe en vue de prier pour que la mission d’évangélisation que je vous confie, en tant que pasteur de notre communauté de foi, soit féconde auprès des enfants et des jeunes, grâce à l’action de l’Esprit Saint et la communion fraternelle vécue entre nous.
En cherchant donc un sujet pour mon homélie et en même temps, un petit cadeau que chaque année la paroisse vous offre en signe de reconnaissance pour votre engagement, je suis tombé sur la boutique d’un artiste-sculpteur qui, parmi tant d’œuvres, proposait des jolis anges en bois de pin qui ont attiré mon regard.
Je me suis dit : ce serait un beau symbole de votre travail car l’ange, par définition, parle du spirituel – d’une réalité qui envoie vers le haut, vers le ciel.
Et c’est ce que vous faites chaque fois que vous parlez du Christ et de son Evangile : vous envoyez vos jeunes auditeurs vers la réalité qui dépasse et surpasse celle de la terre.
Mais ce qui était le plus merveilleux dans ma trouvaille des anges, c’est qu’ils étaient tous différents. Chacun avait un instrument particulier : ainsi, l’un jouait de la flûte, l’autre des cymbales, encore d’autres de la guitare ou du violon…
Je me suis donc dit : voilà le sujet idéal pour mon homélie de la messe d’envoi : former un orchestre divin qui soit capable de faire jouer plusieurs personnes à la fois, mettant en commun tous leurs charismes personnels.
Car, et je pense que vous êtes tous d’accord, il n’y aurait jamais de formation orchestrale sans auparavant des musiciens individuels.
Ainsi vous, mes chers amis, êtes porteurs de charismes différents. A force de travail, d’initiatives de vos parents ou de vos proches, vous avez développé des talents qui font de vous ces belles personnes qui réjouissent tant ceux qui vous rencontrent.
A un moment donné, vous avez désiré vous impliquer d’une manière ou d’une autre plus intensément dans la vie paroissiale et j’espère que je vous ai fait bon accueil.
Pour un prêtre, il n’y a pas de plus grande joie que de voir ses frères et sœurs laïcs vouloir donner de leur temps pour la communauté dans laquelle ils vivent.
Depuis, vous vous êtes engagés : dans l’éveil à la foi, le patronage, la catéchèse, l’aumônerie. L’an passé, tous groupes confondus, 300 enfants et jeunes étaient bénéficiaires systématiquement de votre travail. Et je ne parle pas de leurs parents touchés aussi par votre générosité.
Je vous en remercie du fond du cœur.
Si notre paroisse revêt un visage juvénile, c’est en bonne partie grâce à vos efforts constants et à votre joie de croire.
Je me souviens qu’un dimanche du mois d’août dernier, donc pendant la période où, a priori, vous êtes en vacances et les enfants aussi, un couple de passage m’a dit à la sortie de la messe :
Mon Père, cela fait longtemps que l’on n’a pas vu autant de jeunes familles et d’enfants à la messe.
Et je vous jure qu’il n’y avait pourtant que quelques familles ce jour-là. Cependant, j’étais fier que, malgré cette période estivale, le visage de notre communauté soit apparu tel qu’il est : jeune et beau.
Néanmoins, nous ne devons pas nous autosatisfaire car la moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux. Le maître de la vigne ne cesse pas de sortir de chez lui pour en recruter toujours plus.
Il sort à neuf heures, à midi, vers trois heures, enfin, vers cinq heures…
Le Christ a toujours besoin de gens qui veulent donner un sens fort à leur vie. Ainsi, parmi vous, il y a ceux qui portent avec moi la tâche d’évangélisation depuis des années. Certains sont ici depuis 5 ans, d’autres depuis un ou deux ans et encore celles qui commencent cette année comme Servane, Anne, Sandrine, Gaëlle, Caroline ou sœur Gracjana.
Vous voyez, sans le vouloir, l’histoire de la parabole que nous venons d’entendre s’inscrit dans votre histoire personnelle.
Attention donc à sa mise en garde.
Il y a toujours un risque que la jalousie ne vous happe, comme ce fut le cas des ouvriers de ladite parabole.
En voyant que les collègues sont arrivés plus tard dans la vigne, ceux qui y travaillaient déjà en ont pris ombrage.
Bien qu’ils fussent récompensés selon le contrat bien signé et approuvé, ils n’étaient pas contents que les derniers arrivés soient payés autant qu’eux.
Il a fallu les paroles fermes du maître adressées à l’un d’eux pour calmer le jeu :
Prends ce qui te revient et va-t’en.
Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi : n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? Ou alors ton regard est-il mauvais parce que, moi, je suis bon ?
Mes chers amis, que votre regard porté sur l’autre ne soit jamais mauvais. D’autant plus que l’autre joue dans la même équipe que vous. Oui, il a fréquemment des talents différents…
Oui, il a, a priori, un caractère qui n’est pas le vôtre…
Oui, il a parfois des idées qui secouent votre train-train habituel.
Et encore, son degré d’humour et de sociabilité ne sont pas forcément à votre goût…
C’est perturbant, certes !
Mais, mais… lui veut se donner comme vous au service des autres et veut partager sa foi en Christ comme vous.
Alors, acceptez-le comme il est, comme vous l’avez été auparavant.
Vous me connaissez, depuis des années.
Vous savez que je ne suis pas trop contraignant et que je vous donne une liberté d’action très large, parfois déconcertante je l’admets volontiers, néanmoins qui vous permet d’aller au bout de vos rêves.
Je ne vous demande qu’une seule chose, toujours : que le Christ soit votre but.
Que la paroisse ne soit pas éparpillée, divisée et protestantisée mais qu’elle reste diverse, inventive et colorée par des charismes multiples, mais toujours en communion avec la foi que notre Sainte Eglise, Catholique et Apostolique nous enseigne.
En vous laissant une large liberté d’action en vue de prêcher la Bonne Nouvelle, je vous prie aujourd’hui d’avoir la même attitude envers vos frères et sœurs qui travailleront cette année avec vous.
La qualité d’un orchestre repose sur la capacité de ses membres à s’harmoniser et à jouer la même partition.
Si chacun voulait jouer perso au lieu d’exécuter une œuvre commune, on aurait une cacophonie invraisemblable !
Mes frères et sœurs bienaimés, pour interpréter harmonieusement une partition, il est indispensable que chacun de nous fasse preuve d’humilité.
Je dois donc céder une partie de moi, de mes envies, de mes talents pour me mettre au diapason des autres.
Cet humble abaissement porte ses fruits car le son de mon instrument est enrichi par celui des autres et ainsi, l’indigence du départ finit par devenir une vraie richesse.
Pensez-y chaque fois que l’harmonie de votre équipe se heurte à des obstacles.
Quant à moi, je vous suggère cette année la devise d’or attribuée fréquemment à St Augustin :
In necessariis unitas,
in dubiis libertas,
in omnibus caritas.
Ce qui se traduit de la manière suivante :
Unité dans les choses nécessaires,
Liberté dans les choses incertaines,
Amour en toute chose.
Alors, ne soyez donc pas trop étonné que le septième ange, qui fait partie de l’orchestre, n’ait aucun instrument dans les mains…
En revanche, un cœur y est blotti !
Des lors, n’oubliez jamais que votre engagement au sein de notre paroisse ne devrait pas se focaliser sur l’action mais devrait surtout viser l’accroissement des liens d’amour…
Afin que la communion des saints commence, d’ores et déjà… réellement !