Lectures :
Ap 14,13 : …qu’ils se reposent de leurs peines, car leurs actes les suivent !
Lc 12,35-38.40 : Restez en tenue de service et gardez vos lampes allumées.
Mes frères et sœurs bien aimés, je ne pense pas exagérer en affirmant que, même pour nous, les différences entre la solennité de la Toussaint que nous avons célébrée hier et le jour de la commémoration des fidèles défunts que nous sommes en train de vivre ne sont pas nettes.
D’ailleurs, dans le langage courant et la pratique, beaucoup de personnes allant à l’église le 1er novembre disent prier pour leurs défunts.
La folklorique fête anglo-saxonne d’halloween, avec ses têtes de citrouilles, ses squelettes et l’effigie de la mort avec sa faux en plastique brandie par-ci, par-là dans nos magasins augmentent la sensation que la Toussaint est la fête des morts.
Cela n’est pas entièrement faux, car tous les Saints, canonisés ou non, déjà au ciel, ne sont plus en chair et en os parmi nous.
Cependant, pour la Toussaint, nous ne fêtons pas du tout leur mort mais leur vie en Dieu.
Les Saints sont la preuve tangible que la vie ne s’arrête pas avec le battement de notre cœur physique, mais que celle-ci continue dans l’Au-delà.
Par des signes et des miracles, les Saints confirment que la vie éternelle n’est pas une pieuse fantaisie de quelques femmes ébahies découvrant le tombeau vide du Christ. Cette réalité a changé, bouleversé leur vie et celle des apôtres à tel point que ceux-ci sont tous partis en mission pour aller dire aux nations:
le Christ est ressuscité, nous en sommes témoins.
Ainsi, depuis ce jour, tous les Saints, de par leur vie, leurs choix, leurs actions, ne témoignent pas d’autre chose !
Et ils l’ont fait de manière exemplaire, donnant l’espoir que nous tous pouvons en faire autant.
Quant à la commémoration de tous les fidèles défunts, nous nous penchons vers ceux et celles qui, bien qu’étant Chrétiens, n’ont pas su appliquer complétement, au cours de leur vie, les exigences de l’enseignement du Christ.
Une fois cela s’améliorait, une autre fois, c’était le contraire.
Une fois leurs choix étaient guidés par la vérité et la vertu, d’autres fois, la lâcheté et la combine prévalaient.
Ils n’étaient pas pour autant de mauvais Chrétiens car ils se reconnaissaient tout de même disciples du Christ. Néanmoins, leurs actions ne suivaient pas forcément les devoirs du baptisé.
D’ailleurs, il suffit de regarder dans notre entourage, sur notre lieu de travail, dans nos loisirs combien de fois nous retrouvons des personnes fières de se dire de culture chrétienne, baptisés se vantant d’avoir même été servants d’autel dans leur enfance, d’avoir suivi le catéchisme et qui, pourtant aujourd’hui, vivent comme des mécréants ?
L’Eglise, – dont la mission principale est de révéler au monde la miséricorde de Dieu qui ne veut qu’aucun de ses enfants ne se perde – a décidé de dédier un jour particulier à la prière pour ceux qui, n’étant pas complètement fils de lumière, n’étaient pas pour autant de mauvaises personnes.
Ainsi, ce jour de la commémoration de tous les fidèles défunts est le jour où nos prières purifient, réparent et prennent soin de tout ce que nos chers défunts n’ont pas fait durant leur vie parmi nous.
Nous touchons ici la réalité des âmes du purgatoire qui, grâce à notre soutien et notre communion spirituelle avec eux, passent un temps de purification en vue de vivre, un jour, pleinement en Dieu, la communion des saints.
Afin de comprendre ladite réalité si mal interprétée, je vous propose une histoire.
Il fut un temps où vivait un garçon au caractère difficile et rebelle, se mettant facilement en colère. Avec une aisance déconcertante, il causait du mal à ses proches sans pourtant s’en rendre compte.
Un jour, son Papa, excédé par sa conduite méchante, lui donna un bon paquet de clous – des clous ordinaires – et un marteau.
Il lui dit : mon fils, je te demande qu’à chaque fois où tu te querelleras avec quelqu’un et que tu l’insulteras, tu enfonces un clou dans la barrière qui entoure notre maison.
Déjà,
le lendemain, le garçon y avait planté une trentaine de clous.
Et cela dura jusqu’au moment où il prit conscience du nombre de clous qui ne cessait d’augmenter et que cela le dénonçait de plus en plus.
Il comprit donc qu’il devait se contrôler davantage pour éviter de se bagarrer en permanence.
A partir de cette prise de conscience, il enfonça de moins en moins de clous chaque jour.
Un dimanche soir, tout fier, il alla vers son père pour lui dire : Papa, aujourd’hui, je ne me suis querellé avec personne.
Bravo mon fils, j’en suis fier – répondit son père. Alors, à présent, je te prie d’enlever un clou chaque jour où tu ne te seras pas querellé.
Le garçon se prêta au jeu. Il avait quand même beaucoup de fierté et, quelques temps après, tous les clous de la barrière étaient enlevés.
En arrachant le dernier, il courut vers son père pour lui annoncer qu’il avait fini.
Son père le prit par les épaules et l’amena devant la barrière.
Il lui dit :
Mon fils, c’est très bien
ce que tu as fait. Tu as réussi à maîtriser ta colère
et ton tempérament impétueux. Je suis fier de toi.
Néanmoins, regarde les
planches de la clôture : elles sont pleines de trous ;
elles ne seront plus jamais comme avant.
N‘oublie jamais que chaque fois que tu fais mal à l’autre, tu le blesses, comme le font les clous sur le bois. Et même si tu t’excuses et demande pardon, les traces de blessures resterons encore longtemps visibles.[1]
Frères et sœurs bienaimés,
Il y a dans notre vie de nombreux clous qui plombent les relations, empêchent les réconciliations, interdisent d’avancer en paix.
Pour certains, nous les avons ôtés suffisamment tôt!
D’autres restent encore à retirer afin que le baume du pardon puisse cicatriser les plaies.
Malheureusement, un accident brutal, un infarctus soudain, une maladie incurable, bref, la mort, font qu’il nous a manqué du temps pour arriver au résultat du jeune garçon de mon histoire.
C’est alors à ce moment-là que l’assaut des prières de l’Eglise tout entière doit surgir…
Et cela est particulièrement vrai et manifeste le jour de la commémoration de tous les fidèles défunts.
C’est donc la prière des vivants qui, à l’instar d’un arrache-clou, abolit tout ce qui empêche nos chers êtres défunts de franchir la porte du paradis.
Voilà le sens véritable de nos retrouvailles chaque 2 novembre…
Ne dédaignons jamais…, jamais ! cette grande œuvre de la charité envers nos frères et sœurs défunts.
Amen
[1] Bruno FERRERO, 365 krotkich opowiadan dla ducha, czesc 2, Wyd.Salezjanskie, Warszawa, 2018, p.12