La Bonne Nouvelle s’adresse à tout homme, même s’il est païen Fête de l’Epiphanie, année A, le 5 janvier 2020

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Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse st Pierre et St Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

La Bonne Nouvelle s’adresse à tout homme, même s’il est païen
Fête de l’Epiphanie, année A,
le 5 janvier 2020

Lectures :
Is 60,1-6 : Debout, Jérusalem, resplendis !
Ep 3,2-3a.5-6 : ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage…
Mt 2,1-12 : Où est le roi des Juifs, qui vient de naître ?

Frères et sœurs bien aimés,
L’histoire relatée sobrement par l’Evangile que je viens de proclamer s’est, au fil des siècles, énormément enrichie. Et cela, c’est plutôt positif.
Le récit des évangiles donnait si peu d’informations sur les mages que les premiers chrétiens en souhaitèrent davantage, et la pauvreté même du récit permettait à l’imaginaire de se donner libre cours.
Ainsi, au récit dépouillé de Saint Matthieu décrivant comment des « sages étaient venus d’Orient jusqu’à Jérusalem » en suivant une étoile, l’allégorie biblique, l’imagination pieuse et la réflexion théologique y avaient ajouté les chameaux, le nombre des mages et leur pays d’origine, une interprétation de la symbolique des présents, un statut royal, enfin leurs prénoms. [1]
Par conséquent, la venue des mages s’est muée en l’évènement tel que nous le connaissons aujourd’hui et que nous voulons perpétuer, avec sa Marche des rois enrichie d’animaux, avec ses cortèges colorés que notre paroisse organise pour la deuxième fois cet après-midi sur la commune de Lissieu.

Cependant, même si l’ambiance bon enfant nous y accompagne et que les présents exotiques réjouissent nos yeux ébahis, l’arrivée des rois-mages à Bethléem et leur hommage rendu au petit Jésus portent surtout un message de prime importance.
L’Epiphanie de Jésus Christ – c’est-à-dire la manifestation du Christ – n’est pas réservée seulement à une élite, à un comité d’élus, à un groupe des gens défavorisés ou misérables cherchant de la consolation dans les cieux puisque sur terre la justice sociale leur manque impérieusement.

La présence des mages à la crèche lui confère une dimension planétaire, d’autant plus qu’ils sont élevés à la dignité royale.
Déjà vers l’an 200 le théologien africain Tertullien fit remarquer que « …l’Orient considérait généralement les Mages comme des rois ».
D’ailleurs, plus proche de nous, un évêque de Gaule, Césaire d’Arles, au début du 6ème siècle, aussi affirma sans ambigüité qu’ils étaient rois. [2]

Ainsi, l’hommage de savants et de représentants du pouvoir rendu à Dieu révélé en l’enfant Jésus atteste que l’Incarnation de Dieu nous concerne tous.
Dieu ne voulait pas se manifester à une seule classe sociale ou à un unique peuple. Il se révélait au monde entier.
Les saints Jean Chrysostome et Augustin parlaient des rois-mages comme étant les ambassadeurs des Gentils, soulignant par-là que l’événement est pleinement catholique, c’est-à-dire universel.
Par conséquent, toute tentative d’enfermer la foi en Christ dans une sphère privée, dans la sacristie, comme disent certains laïcards, s’opposait au message de l’Evangile :

la Bonne Nouvelle s’adresse à tout homme, même s’il est païen.

Rappelons, pour l’occasion, que les rois-mages n’étaient pas du tout chrétiens. Ils étaient, au départ, chercheurs de la vérité qu’ils croyaient inscrite dans les constellations d’étoiles. [3]
Pour le pape émérite Benoit XVI les mages « représentaient le chemin des religions vers le Christ comme aussi l’autodépassement de la science, en vue de lui. Ils se trouvent en quelque sorte à la suite d’Abraham qui, à l’appel de Dieu, partit. D’une autre manière, ils se trouvent à la suite de Socrate et de son interrogation, au-delà de la religion officielle, à propos de la plus grande vérité ». [4]

Alors, leurs connaissances et leur honnête leur ont inspiré de partir de chez eux pour rencontrer en petit enfant emmailloté, le Messie – le Sauveur du monde – donc aussi le leur.

Ainsi, selon certaines sources syriennes, plus tard, les mages ont été baptisés par l’apôtre Thomas, devenant premiers rois chrétiens en Orient. [5]

Quoi qu’on en pense, une chose est sûre : avertis en songe de ne plus retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin, ce qui a toujours été interprété comme un signe de conversion.
Nous devons donc légitimement penser que la rencontre avec le Christ fut décisive pour nos protagonistes venus du lointain Orient. Aucune raison, donc, d’en priver les autres.

Frères et sœurs bien aimés,
Les rois-mages venus d’Orient sont donc à l’origine d’un mouvement, celui de l’humanité vers le Christ.
Ils en inaugurent la marche, qui continue durant toute l’histoire.
Ils représentent non seulement ceux qui sont déjà en route vers le Christ, mais également le sens des religions et de la raison humaine…, la profonde attente du cœur de l’homme de rencontrer le Christ. [6]

 

[1] Cfr., Joseph F.Kelly, Les origines de Noël, Edition de Solesmes, 2007, p.111-112

[2] Cfr., idem, p.106

[3] « … ces hommes sont des prédécesseurs des chercheurs de la vérité, qui concernent tous les temps. », in : Joseph RATZINGER – Benoit XVI, L’Enfance de Jésus, éd. Flammarion, p.135

[4] Idem. P.135

[5] Cfr., idem. p.110

[6] Cfr., Joseph RATZINGER- Benoit XVI, Jezus z Nazaretu – Dziecinstwo, Znak, Krakow 2012, p. 130