Lectures :
Ac 1,15-17.20a.20c-26 : Frères, il fallait que l’Ecriture s’accomplisse.
1 Jn 4,11-16 : Bien-aimés, puisque Dieu nous a tellement aimés, nous devons, nous aussi…
Jn 17,11b-19 : Père saint, garde mes disciples unis dans ton nom…
Le sujet est sérieux : Jésus s’est mis à prier…
Toujours, lorsque la situation devient grave ou que des prodiges s’opèrent, le Christ se met à l’écart afin de prier son Père céleste. Il garde toujours le souci d’accorder sa volonté à celle du Père
Aujourd’hui, nous sommes au cénacle…, le moment est solennel…, la dernière cène a été consommée…, la première eucharistie vient d’être célébrée.
Demain, ce sera l’heure de l’offrande sur la croix, le moment où le Christ confirmera par un acte majeur la véracité de ses paroles.
Les apôtres ne saisissent pas encore la gravité de la situation. Ils ne perçoivent pas le guet-apens tendu par leur confrère Judas. Ils sont à la fête : n’est-ce pas la Pâque pour laquelle ils se sont rassemblés ?
Mais leur maître sait déjà ce qu’ils ignorent encore : pour Lui, l’heure est venue.
Les forces du mal s’en prennent au bon Pasteur…
Il sera frappé, jugé, humilié, enfin… mis à mort. Elles ne supportent pas la concurrence du bien… Elles veulent donc le supprimer, complétement, définitivement. Pas de comparaison possible entre la lumière et les ténèbres, donc tout se vaut…
Le Christ en sait le risque : une fois le pasteur attaqué, ses brebis, déboussolées, prennent la fuite. Elles se dispersent et s’affaiblissent, faute d’être conduites par un guide. Elles doivent donc restées soudées.
Alors, le Christ prie… et cette fois, publiquement :
Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils Te glorifie.
Ensuite, les apôtres entendent la supplique qui les concerne directement :
Père Saint, garde mes disciples unis dans ton nom, pour qu’ils soient un,
comme nous-mêmes.
Ô, combien les apôtres ont-ils besoin de comprendre qu’il est nécessaire de rester unis face aux difficultés ! C’est cela, l’exigence pour toute amitié véritable et toute famille digne de ce nom.
Lorsque tout va bien, il est facile de garder le moral, de conserver des liens et de faire de grands discours sur la solidarité et la fraternité.
Mais lorsque les choses s’écroulent comme un château de cartes, lorsque l’adversité fait loi et que le mauvais esprit s’en mêle, nous distinguons très vite l’ami véritable du faux-jeton.
Au fond d’un puits se trouve l’eau claire, au fond du gouffre s’exerce main-forte d’un vrai ami.
Alain, philosophe et essayiste français, l’a bien vu, notant un jour :
une amitié qui ne peut pas résister aux actes condamnables de l’ami n’est pas une amitié.
Et nous y voilà !
Certes, le Christ n’a rien fait de mal, mais les fausses déclarations, la haine des puissants qui tirent les ficelles, le peuple versatile font de lui un criminel.
Même Pilate, Romain sensible à la loi, se prend les pieds dans le tapis.
Il y a donc vraiment de quoi prier Dieu afin que les apôtres ne se séparent pas, qu’ils restent unis, en communion, face à ce déchaînement du mal.
Et nous savons que la prière de Jésus a été exaucée.
Les secousses étaient d’une violence inouïe, la peur menaçait, la tentation de fuir immense, mais, en fin de compte, le combat avait été gagné. Restés au cénacle en prière, les apôtres avaient testé la force de l’unité. Même Thomas dit l’incrédule avait dû admettre devant eux son manque de foi.
Le Christ était là où « deux ou trois » se rassemblaient en son nom.
C’était bien le cas.
Mes frères et sœurs bien aimés, le temps passe, les générations se succèdent, les nouveautés sont vite obsolètes, pour rapidement tomber dans l’oubli.
Chaque époque, d’une manière ou d’une autre, s’en prend au Christ, veut le mettre en pièces, le supprimer, le tourner en dérision.
La barque – Eglise ne cesse d’être chahutée, souvent de l’extérieur, parfois de l’intérieur…
Quelques fois, cela est virulent, sournois ou frontal, peu importe ; le but est toujours le même : haïr le Christ et ses disciples parce que le vieux monde leur en veut de ne pas lui appartenir. Eux ne suivent pas les tendances dernier cri ni la mode au goût du jour.
Bien qu’étant dans le monde, comme le levain dans la pâte, les Chrétiens s’en distinguent. Ils ne veulent pas être à la traîne, ils se voient à l’avant-garde du nouveau monde de la Vérité…
Ici, je vous citerais volontiers un fragment de l’épitre à Diognète, de la fin du 2ème siècle après le Christ.
Ecoutez le bien… pour qu’il soit un beau cadeau en ce 7ème dimanche de Pâques :
… les Chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les vêtements. Ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils ne se servent pas de quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier. […] Ils se répartissent dans les cités grecques et barbares suivant le lot échu à chacun; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et la manière de vivre, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur république spirituelle. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés.
[…] Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils partagent tous la même table, mais non la même couche. Ils sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair.
Ils passent leur vie sur la terre, mais sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies et leur manière de vivre l’emporte en perfection sur les lois.
Ils aiment tous les hommes et tous les persécutent. On les méconnaît, on les condamne; on les tue et par là ils gagnent la vie. Ils sont pauvres et enrichissent un grand nombre. Ils manquent de tout et ils surabondent en toutes choses. On les méprise et dans ce mépris ils trouvent leur gloire. On les calomnie et ils sont justifiés. On les insulte et ils bénissent. On les outrage et ils honorent.
[…] Les juifs leur font la guerre comme à des étrangers; ils sont persécutés par les Grecs et ceux qui les détestent ne sauraient dire la cause de leur haine.
En un mot, ce que l’âme est dans le corps, les Chrétiens le sont dans le monde. L’âme est répandue dans tous les membres du corps comme les Chrétiens dans les cités du monde.[1]
Père Przemek KREZEL, curé +
[1] In : Épître à Diognète 5-6,2 ; Elle est une apologie adressée sous forme de lettre à un païen de haut rang nommé Diognète. Elle semble dater des années 190-200 et fut rédigée peut-être à Alexandrie (source : http://catho.org…, textes patristiques/apostoliques