Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse St Pierret St Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon
C’est être malheureux que de vouloir et ne pouvoir
3 dimanche de Pâques, année A, le 26 avril 2020
Lectures :
Act 2,14.22b-33 : Il s’agit de Jésus le Nazaréen…
1 P 1,17-21 : …vivez dans la crainte de Dieu…
Lc 24,13-35 : Les disciples d’Emmaüs.
Vous est-il arrivé, parfois, de réfléchir à l’essor fulgurant du christianisme au cours des 3 premiers siècles ?
Sans un appareil d’état, sans fonctionnaires, sans armée, hors la loi, traquée, persécutée, l’Eglise primitive ne cessait de grandir, à tel point qu’au début du IVème siècle, elle avait enfin gagné droit de cité. Tout d’abord grâce à l’édit de Milan en 313 de l’empereur Constantin puis, ensuite, le christianisme devenait religion officielle de l’Empire romain en vertu du décret de Théodose 1er, le 8 novembre 392.
Alors, comment les Chrétiens sont-ils passés d’une minorité insignifiante et marginalisée avec un statut de parias à une majorité dominante ayant une influence réelle sur les affaires d’état ?
La réponse à cette question mérite qu’on s’y attarde car, d’une certaine manière et, bien évidemment, toutes proportions gardées, le christianisme se trouve actuellement dans le sens inverse à celui du passé. Il est plutôt en perte d’influence et, dans les vieux pays occidentaux chrétiens d’autrefois, il recrute peu et ses valeurs sont remises constamment en cause.
Certes, en Asie ou encore, même si cela est beaucoup moins réel qu’auparavant, en Afrique, la dynamique est croissante, mais chez nous, berceau de la civilisation chrétienne, son recul d’influence dans l’espace public est net. Pourquoi ?
Parce qu’au lieu de nous inspirer de l’expérience de nos aînés dans la foi, nous cherchons sans cesse des nouveautés pastorales, en espérant qu’elles fonctionneront et que le monde nous aimerait de nouveau. Depuis l’après-guerre,- et cela est particulièrement vrai depuis le Concile de Vatican II – nous essayons de réinventer l’Eglise et sa manière d’exister dans la cité mais, visiblement, nous n’y parvenons pas.
L’Europe se déchristianise en même temps qu’elle se dé-latinise et abandonne la culture grecque. Par conséquent, un nouveau monde est né : il y a déjà bon nombre d’endroits où Jésus est un grand inconnu et où les gens n’ont même pas entendu parler de son évangile. Il devient une relique du passé. La situation est douloureuse, diraient certains, et moi, je dirais : c’est le temps des apôtres qui revient.
Nous sommes confrontés, comme les douze, aux gens qui ignorent le message du Christ ou ne le saisissent pas dans sa fraîcheur et sa puissance, car il est une énigme totale pour eux.
Les premiers disciples en étaient conscients.
Ainsi, une fois l’Esprit Saint reçu, ils allèrent de l’avant.
Je vous propose de revoir les actes des apôtres dont le fragment que nous avons lu tout à l’heure, en vue d’y trouver quelques éléments clefs sur la manière dont les apôtres ont relevé ce défi d’annoncer l’Evangile de Jésus Christ, fils de Dieu et ami de l’homme.
Ce qui est à noter en premier, c’est la posture que prend Pierre : il sort de la foule, se rend visible aux gens et, debout, il élève la voix.
Eh oui, mes frères et sœurs bien aimés, si nous restons couchés et gardons une voix faiblarde, nous ne serons pas entendus dans le vacarme de ce monde. Malheureusement, nous sommes tellement et trop souvent timides que nous n’osons plus sortir de l’ombre, nous mettre au centre et hausser le ton car nous jugeons que le risque d’être raillé ou insulté est trop élevé.
Pierre n’avait pas non plus la certitude que ses paroles soient reçues avec bienveillance ; pourtant, il n’a pas hésité à s’exposer à la foule.
Pour changer le monde, mes frères et sœurs bien aimés, il faut d’abord oser s’affirmer. Le vouloir, s’il n’est associé à une action concrète, reste seulement un pieux vœu….
Paul Valéry l’avait bien remarqué quand il affirmait qu’ « un homme passe pour volontaire mais, au fond, il n’a que l’habitude de vouloir. Le vouloir lui est le plus facile ».
Cependant, et cela mérite d’être noté, Pierre partait seul, mais il n’ l’était pas. Il était soutenu par les onze autres apôtres, comme l’a écrit scrupuleusement l’auteur des Actes.
Il est donc important d’avoir un chef (leader), une personne qui sait prendre la parole et a le courage de le faire mais il est impératif qu’il soit entouré, soutenu, accompagné. Tout seul, on risque de se perdre. Par contre, en famille, en communauté, entre amis, les épreuves seront plus faciles à affronter.
Et même en cas d’échec, nous avons besoin d’un lieu de repli où nous pourrons soigner nos blessures et reprendre des forces.
Quant au contenu du discours de Saint Pierre, j’espère que vous avez remarqué qu’il est centré entièrement sur le Christ… D’abord, l’apôtre Pierre s’appuie sur les écritures des prophètes qui l’annonçaient depuis des siècles et ensuite, sur les événements clefs de sa vie, à savoir la mort, la résurrection et l’ascension.
Dans le discours de Pierre manquent complètement les sujets dits sociétaux. Pierre ne parle pas d’écologie intégrale, il ne parle pas de la maison commune menacée par l’entreprise de l’homme. Il n’aborde pas non plus le problème de l’immigration ou de la pauvreté. Il laisse même tranquille le pouvoir en place et pourtant, les Romains n’étaient pas chez eux puisqu’ils n’étaient que des occupants. Saint Pierre limite sa prise de parole au Christ seul qui est pour lui le sujet principal.
Cela ne signifie pas que l’Eglise doive abandonner tous les sujets d’actualité qui préoccupent l’homme contemporain. Je voudrais souligner seulement que l’Eglise doit s’occuper davantage des affaires de la vie éternelle que du temporel car sinon, elle risque de devenir une ONG banale ou lobbyiste d’une ou des causes louables mais non essentielles dans la perspective du salut pour lequel le Christ a offert sa vie.
Mes frères et sœurs bien aimés, je finirai avec le dernier point notable de l’analyse du discours de notre cher Saint Pierre.
Il le termine avec cet aveu personnel : « Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité, nous tous, nous en sommes témoins ».
Ici, je pense que se trouve le point essentiel de toute parole du Chrétien qui est, hélas, bien souvent le maillon faible de nos discours.
Nous parlons de Dieu, nous vivons notre foi, nous témoignons de celle-ci par des pratiques, mais au fond, nous ne racontons pas notre expérience personnelle. Nous transmettons plutôt nos habitudes, notre manière de vivre la foi, et tout banalement, nos attitudes religieuses.
Parfois, nous nous comportons comme des fonctionnaires d’état que la bureaucratie étouffe et qui, en grande partie, ne sert à rien sauf à s’occuper d’elle-même. Malgré cela, ils la défendent car elle leur assure la sécurité de l’emploi et leur permet de vivre plutôt confortablement. Ils n’y croient plus mais ils la maintiennent en vie car elle leur est profitable et socialement utile.
Mes chers, pour la foi, c’est trop peu d’être utile socialement.
L’enjeu pour elle est beaucoup plus valeureux : elle vise le salut des âmes rachetées par le sang précieux de l’agneau sans défaut et sans tache, le Christ.
1/ De Blaise PASCAL, Pensées sur la religion
2/ Dans mon homélie, je ne m’occuperai pas de la vie intérieure et vertueuse de premiers disciples vivant selon ce que nous décrivent les Actes des Apôtres (2,42-47) ; non plus, je ne m’occuperai pas de toutes circonstances politiques et historiques qui jouaient en faveur de l’expansion du christianisme dans le monde romain. Mon attention ne concentrera que sur le texte des Actes des Apôtres, donné en ce dimanche en première lecture, décrivant l’une de premières prédications apostoliques.
3/ De Paul Valéry, Mauvaises pensées et autres