Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse st Pierre et st Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon
Le chemin de conversion complet, même s’il est vite fait
Dimanche du Christ Roi de l’Univers, année C,
le 24 novembre 2019
Lectures :
Sm 5,1-3 : dit à David « Nous sommes de même sang que toi ! »
Col 1,12-20 : Le Christ « Il est aussi la tête du corps, c’est-à-dire de l’Eglise »
Lc 23,35-43 : Le bon larron
Peut-être serez-vous stupéfaits si je vous dis qu’aujourd’hui vous avez participé à la première canonisation du monde car, en effet, ce n’est pas un pape qui l’a inventée mais notre Seigneur, Jésus-Christ lui- même.
Etonnés ?
Alors revenons à l’Evangile du jour lu à cet instant :
Amen, je te le déclare : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis.
C’est celle-ci, la formule de canonisation : être avec Jésus, à la droite du Père, pour toujours !
Et tout pourrait être bien… si Jésus n’avait canonisé un malfaiteur…
Se serait-il trompé ?
Comment un pécheur, d’autant plus reconnu coupable par la loi romaine, a-t-il pu être gracié par Dieu, bénéficiant de sa miséricorde ?
Notre sentiment d’injustice se révolte : un malfaiteur au ciel, c’est un comble !
Bien sûr, pour ceux qui travaillent leur sainteté au quotidien : O.K., j’admets, mais un bandit !!!
Cela pose vraiment un grand point d’interrogation pour tous les chrétiens qui font le chemin vers Dieu, jour après jour, souvent dans la peine…
Pourtant, je vous l’assure, le larron suspendu à côté de Jésus… a fait un chemin complet vers Dieu.
La grâce ne lui est pas tombée du ciel comme on le pense, car aux derniers instants de sa vie terrestre, il a su confesser la foi en Christ, au Christ lui-même.
De plus, il a eu le courage de le défendre contre les injures de son compagnon de supplices, l’autre larron.
Lui aussi, en agonie, a commencé son chemin de conversion à partir de ces paroles lancées au deuxième malfaiteur :
« Tu n’as donc aucune crainte de Dieu ?
Et puis pour nous, c’est juste : après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons. »
Mes chers frères et sœurs,
Si nous prenons le curriculum vitae de n’importe quel saint, nous trouvons à l’origine de sa sainteté ce moment décisif dans sa vie :
L’aveu de son péché.
On ne peut pas devenir saint sans reconnaître la réalité de notre condition humaine, vécue sans Dieu ou parfois carrément contre Lui.
Et je ne vous parle pas ici de la fausse culpabilité mais de la lucidité face au mal !
Il faut savoir le discerner dans son existence et le confesser devant le Christ afin de débuter la vie à côté de Lui, à côté du bien.
Justement, cela, le bon larron en était conscient :
après ce que nous avons fait, nous avons ce que nous méritons…
Je voudrais attirer votre attention spécialement sur ce point du chemin de conversion parce qu’à présent l’homme a du mal à reconnaître son péché.
Il le nie malgré les preuves évidentes.
Les médias en témoignent.
Tous les jours, nous entendons que telle ou telle personne a été prise presque en fragrant délit, mais elle nie tout en bloc !
Je ne mentionne qu’une récente affaire qui s’est déroulée en avril dernier à Caluire-et-Cuire concernant le cambriolage d’un pavillon. Les policiers, arrivés rapidement sur place, ont réussi à surprendre deux individus en flagrant délit de vol par effraction. Et, figurez-vous, placés en garde à vue, les deux cambrioleurs ont nié les faits.
Et qu’a fait un certain Mario qui, en octobre dernier, a agressé une vieille dame à la Louvière ?
De même, il a nié en bloc toute implication dans l’affaire malgré les traces de son ADN décelées sur un couteau utilisé pour l’agression. [1]
Ces affaires, comme tant d’autres, témoignent de la difficulté réelle à identifier le mal.
Ainsi, dans le quotidien, nous ne sommes pas seulement éloignés du Christ, mais également de la vérité sur soi-même et de l’honnêteté au quotidien.
Socrate, donc bien avant le Christ, affirmait que le vrai citoyen, lorsqu’il a commis une faute contre la société, devait se livrer lui-même à la justice de la cité sans attendre qu’on vienne le chercher.
Selon lui, la maturité de l’homme consiste en sa capacité d’évaluer et d’assumer ses actions.
Sinon, le larron reste toujours le larron.
Jamais il ne deviendra un « bon » larron !
Pour en revenir au texte de l’Evangile et poursuivre le cheminement de notre bon larron vers Dieu, nous constatons qu’il a reconnu et confessé son péché pour, ensuite, donner un beau témoignage sur Jésus :
« Lui, il n’a rien fait de mal ».
C’est une phrase étonnante qui prouve bien que ce malfaiteur possédait une certaine connaissance du Christ. Il ne l’a pas apprise sur la croix puisque lui, comme Jésus, était immobile et cloué.
Cette phrase nous montre que cet homme, condamné à mort puisqu’ayant vécu dans la délinquance, suivait le Christ et n’ignorait rien de sa vie…
En réalité, il le faisait de loin, sans franchir un pas décisif …, cependant, ce pas décisif, il l’a effectué au dernier moment : suspendu au bois à côté de celui qu’il connaissait déjà.
Ici, je souligne que, pour se convertir, il faut posséder une certaine maîtrise de Dieu. Il est nécessaire de le fréquenter même si c’est occasionnel.
Passons à la troisième étape de conversion : la prière.
Jésus, souviens- toi de moi quand tu viendras inaugurer ton règne.
Nous assistons à l’humble prière d’un homme qui menait sa vie à sens et à contresens, sans trop se soucier de la vie éternelle…
Mais à présent, conscient de son passé, il prie : Jésus, souviens-toi de moi…
Combien de fois ces mots me sont-ils familiers ?
Combien de fois murmuré-je :
« Jésus, souviens-toi de moi, prends pitié de moi… »
Ainsi, le larron devient proche de moi, il me ressemble dans sa faiblesse mais aussi dans sa confiance en Christ :
Souviens-toi de moi, je crois en Toi, je sais que tu peux tout faire…
Je m’abandonne à toi pour que tu me réconcilies avec le Père qui est aux cieux…
Jésus, le vrai maître de l’Univers, ne tarde pas à donner sa réponse à cette prière, au cheminement de conversion effectué par ce malfaiteur, converti de la dernière minute :
« Amen, amen, aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis… »
Du coup, ce malfaiteur devient le bon larron, le larron pardonné, donc le premier saint officialisé par le Christ…
Encore étonnés ?
Un peu moins… je l’espère !!!
[1] Ce sont quelques exemples, présents dans les médias au moment où j’écrivais cette homélie, qui témoignent de l’aveuglement des gens en face du péché.