La fausse paix ne dure qu’un certain temps… La demi-vérité finit par épouser le mensonge… La foi sans ardeur termine en anesthésie généralisée… 20ème dimanche du temps ordinaire, année C, le 18 août 2019

Publié le Publié dans Homélies

P.Przemyslaw KREZEL
Paroisse St Pierre et St Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

La fausse paix ne dure qu’un certain temps…
La demi-vérité finit par épouser le mensonge…
La foi sans ardeur termine en anesthésie généralisée…
20ème dimanche du temps ordinaire, année C, le 18 août 2019

Lectures :
Jr 38,4-6.8-10 : Le prophète signe de contradiction
Hbr 12,1-4 : … les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de la foi
Lc 12,49-53 : je suis venu apporter un feu sur la terre…

Et voilà ! Nous en sommes tombés des nues…
Combien de fois voyons-nous, dépeignons-nous, décrivons-nous le Christ comme un homme démesurément pacifiste, acceptant tout et n’importe quoi pourvu qu’il ne heurte pas l’esprit trop sensible de ses auditeurs ?
On voudrait presque faire de lui un individu vêtu d’une chemise longue – pourquoi pas à fleurs – annonçant d’une voix anémique :
« faites l’amour, pas la guerre » !!!

Ainsi, le Christ, le Seigneur des Seigneurs, le Dieu en personne, ressemble plus à un soixante-huitard à la chevelure abondante, au regard trouble, à l’allure androgyne, ni homme, ni femme, bref : un hippie, forcement antimilitariste, portant sur son tee-shirt les deux mots clé de l’époque: peace and love.

Aujourd’hui, l’Evangile dément violemment cette image de Jésus Christ que nous avons parfois créée pour notre confort…

Je suis venu apporter le feu sur la terre…
Je ne suis pas venu mettre la paix, mais plutôt la division.

A l’heure où nous sommes inquiets par la situation politique à Hongkonget par les conflits par-ci, par-là ces paroles tombent, semble-t-il, au pire des moments.
Il semblerait que le Christ jette de l’huile sur le feu, déjà assez dévastateur, dévorant des innocents, anéantissant tant d’êtres humains et leurs biens.
Il ne m’étonnerait pas trop que certains soient troublés d’avoir entendu un tel propos sortir de la bouche de notre Seigneur, qui, pourtant, de multiples fois, a répété à ses disciples, comme il nous le répète lors de chaque Eucharistie : la paix soit avec Vous.

Alors, comment réconcilier le feu qui divise et la paix qui instaure un mode de vie permettant l’entente parfaite avec l’autre ?
Afin de pouvoir répondre à cette question dialectique, nous devons revenir au cœur de la mission pour laquelle le messie est descendu du ciel. Et celle-là peut être résumée en une phrase : Convertissez-vous et croyez à l’Evangile.
Convertissez-vous, c’est-à-dire revenez à l’harmonie d’origine… A l’harmonie voulue par Dieu pour l’homme depuis le commencement.

Hélas, l’homme, marqué par le péché, a tendance à changer la trajectoire de sa vie en fonction des difficultés rencontrées… Il cherche, en dépit de la vérité, les voies les plus faciles, les moins couteuses, les moins abruptes.
Si cela est possible, l’homme évite les efforts.
Nous l’observons tous les jours, rien que dans nos propres maisons… Si quelqu’un d’autre peut sortir les poubelles ou débarrasser la table, on ne se rue pas pour le faire.
Il en est de même au travail…, dans les relations entre nous…, et même au sein de nos paroisses…
Par contre, cette lâche attitude change – totalement d’ailleurs – si nous sommes vraiment engagés, si nous sommes vraiment amoureux, si nous sommes vraiment responsables.
Si tel est le cas, nous sommes prêts à déplacer les montagnes, à ne pas dormir des nuits entières, à travailler 20 heures par jour pour qu’un projet aboutisse.
Et tout cela avec une grande joie, malgré une inévitable fatigue.

Voilà le secret du feu qui nous habite : il est amour.
L’amour pour … pour quelqu’un, pour une idée, pour un bien. Si l’amour est affaibli, mis en doute, pas assez entraîné à cause de toutes les petites peines quotidiennes qui forgent notre volonté, la vie – la nôtre – devient de plus en plus truffée de devoirs, d’obligations, de contraintes, de commandements à respecter.
La liberté que l’amour nous donnait auparavant en tout ce que nous entreprenions, bizarrement s’étiole, disparaît…
Rien d’étonnant, donc, que certains « pètent les plombs »… et presque du jour au lendemain, partent refaire leur vie, comme ils aiment à le dire…, complètement aveuglés, sans avoir conscience de tous les pots cassés qu’ils laissent derrière eux.

Le Christ ne veut pas que nous passions par la voie de l’échec.
Il désire que nous réussissions notre vie, que nous l’appréhendions comme des grands, en adultes qui n’ont pas honte de leur passé, maîtrisant leur quotidien, sans peur d’affronter leur avenir.

Pour réussir, il ne suffit donc pas que de se convertir – la première partie du message du Messie dont je vous ai parlé.
Il est encore nécessaire de croire à l’évangile. D’y croire de tout son être !
Le croire doit être tel que l’amour pour la personne qui nous est la plus chère au monde. Pas de demi-mesure.
Le croire doit être comme un feu dévorant non pas l’autre mais nos propres faiblesses, nos propres hésitations.
La foi doit émaner de soi, de tout ce que nous vivons, disons, faisons…
Hier soir, pendant la messe de mariage à l’église de Chazay, des rayons de soleil tombaient sur une partie de l’assemblée… les visages des fidèles paraissaient irradiés; qu’ils étaient beaux, tous, … lumineux, transfigurés !
Et j’ai songé en moi-même : le voilà, l’image du feu dont le Christ nous a parlé, le feu qui vient de l’intérieur du cœur aimant d’un véritable disciple!

Et cela ne se passe pas sans risques…
On trouvera toujours des gens tièdes, retors, conjecturaux qui nous diront sur un ton amical: tu exagères, mon vieux. Dieu n’en demande pas tant, soit plus cool… ; ne t’en fais pas, nous sommes en 2019, il faut se moderniser, aller avec la mentalité du moment…

Ces propos ne viennent pas que de gens incroyants ou peu croyants…
Ils viennent même du dedans de communautés de croyants… et cela est le plus désolant… et le plus difficile à réfuter : car c’est bien connu, les loups déguisés en brebis sont toujours difficiles à démasquer.

Ainsi, pour avoir la paix…, pour ne pas être trop en avant, pour éviter les conflits… nous nous adaptons à l’ambiance régnante : nous ne disons rien et nous ne corrigeons personne, de peur de froisser quelqu’un…
Nous nous glissons dans l’inertie complète à l’instar de ce pauvre Jérémie s’enfonçant dans la boue…

Cependant : Agissant ainsi, serions-nous vraiment heureux ?
Et si c’était le cas : notre bonheur durerait-il longtemps ?

Nous en connaissons bien la réponse, car elle est celle de notre propre expérience : tout ce que nous balayons sous le tapis ou mettons au placard pour nous en débarrasser, un jour complètement inattendu, ressort…
Soyez assurés que:
La fausse paix ne dure qu’un certain temps…
La demi-vérité finit par épouser le mensonge…
La foi sans ardeur termine en anesthésie généralisée…

Mes chers frères et sœurs :
Ceux qui ont vécu dans la foi – foule immense de témoins – sont là qui nous entourent. Comme eux, débarrassons-nous de tout ce qui nous alourdit, et d’abord du péché qui nous entrave si bien ; alors, nous courrons avec endurance l’épreuve qui nous est proposée, les yeux fixés sur Jésus, qui est à l’origine et au terme de la foi !
Amen