Homélie – Godot ou Jésus Christ ? 1er dimanche de l’Avent, année B.

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse St Pierre et St Paul
en Val d’Azergues.

Neuf clochers – Lyon

Godot ou Jésus Christ ?

1 dimanche de l’Avent, année B

Le 3 décembre 2017

 

Lectures :

Is 63,16b-17.19b; 64,2b-7 : Nous sommes l’argile, c’est toi qui nous façonnes…

1 Cor 1,3-9 : vous y arrivez car aucun don de grâce ne vous manque…

 

Voilà, une année liturgique vient de se terminer…
Et une autre, toute belle, toute fraiche qui nous  prend dans ses bras à présent en ce premier dimanche de l’Avent.
Alors, de nouveau, nous reprenons le bâton de pèlerin pour parcourir la vie de notre maître Jésus Christ et pour vivre  la foi en Lui au fil du temps. Toujours en haleine, dans l’attente qu’un jour ce rythme liturgique annuel trouvera terme en sa venue définitive.
Justement, parlons-en…

Prenons le stéthoscope de la conscience pour examiner le cœur de l’homme… le nôtre…
Attend-il encore quelqu’un ?
Pour qui bat-il ?
Bat-il encore ?

Je ne sais pas, mes frères et sœurs bienaimés, si vous êtes passionnés de théâtre et de littérature ;  néanmoins, je voudrais  vous rappeler l’œuvre d’un certain  Samuel Beckett.
Certes, il n’était pas français. Irlandais de naissance, mais les origines de sa famille remontant aux huguenots français le poussent à embrasser la France dans un moment bien particulier. Lorsqu’elle entre dans le conflit de la deuxième guerre mondiale, il rejoint les maquisards français en Vaucluse. Ainsi se voit-il décerner la Croix de Guerre et la Médaille de la Résistance.
Ce futur prix Nobel de littérature, après la guerre, reste en France, même après sa mort…. Si vous allez à Paris, vous pouvez visiter, Cimetière Montparnasse, sa tombe en granit gris poivré. Il y repose à côté de sa femme Française, Suzanne. Mais j’arrête-là sa présentation.

Il me faut, à présent, aller droit à la pièce de théâtre en deux actes écrite en 1948 et qui est la plus connue de Beckett : En attendant Godot. La pièce fit scandale à l’époque. Les premières semaines de représentations, la moitié de la salle sortait avant la fin de l’acte I. D’autres spectateurs agacés restaient pour contrarier le jeu des acteurs en huant, et en faisant du bruit. Godot déclenchait chaque soir des batailles rangées entre les défenseurs de la pièce et les mécontents.[1]
 
Cependant, je ne veux pas vous parler de l’atmosphère du scandale qui accompagnait ladite pièce, je veux vous parler de son sujet.
Je le définirais ainsi : le vouloir qui ne se traduit jamais en actes.
Donc, les protagonistes de l’œuvre en question paraissaient assez déterminés dans l’attente d’un certain Godot, personnage indéfini et mystérieux.
Ils l’attendent pourtant, car ils croient qu’il pourrait apporter des solutions à leur vie, assez médiocre…
Le spectateur suivant les dialogues des acteurs, peu à peu se rend compte que Godot est un grand inconnu. Que ceux qui l’attendent ne savent rien de lui.
Ils ne savent même pas s’il existe, qui il est, d’où il vient…
Tout est vague. Tout est aléatoire. Presque fantaisiste. Un vrai théâtre de l’absurde dans lequel, d’ailleurs, cette œuvre de Beckett a été classifiée.
Alors, pourquoi  attendent-ils l’énigmatique Godot, si même son existence pour eux est incertaine ?
Oui, pourquoi ?
 
L’auteur ne donne pas de réponses explicites, mais une conclusion s’impose particulièrement : certains se font certaines idées, en parlent autour d’eux, deviennent même leurs défenseurs farouches, font semblant d’en être sérieusement préoccupés ; cependant, ils ne bougent pas un doigt pour qu’elles soient vraiment crédibles.
Leur bouche est pleine de beaux concepts et de doctes tournures de phrases, mais sur le plan de la réalisation c’est double zéro !
Ne connaissez-vous pas de personnes publiques et de votre voisinage, ces fameux donneurs de leçons et rois du « y’a qu’à – faut qu’on » ?

Cependant, ce ne sont pas eux qui m’intéressent…
Je voudrais plutôt vous faire réfléchir, mes frères et sœurs  bienaimés, sur vous- même… sur vos attentes….
C’est le temps de l’Avent : alors en attendez-vous quelque chose ?
Y-a-t-il un espoir qui fasse vibrer votre cœur ?

Ne répondez pas trop vite…
Prenez le temps…
Laissons-nous-en suffisamment, car il est important de prendre conscience de ce que chacun de nous attend dans la vie… et de la vie.

Toute attente est légitime… que ce soit dans le travail, dans l’amour, le grand jour, un passeport, un repas, la mort, une paire de chaussures. Certes, l’homme a mille et une raisons d’attendre, mais, chers frères et sœurs bienaimés, disons-le clairement, nos attentes ne se valent pas toutes !
Quand même, entre l’attente d’un flacon de parfum sous l’arbre de Noël et la personne qui nous l’offre, il y a une sacrée différence. Ainsi, entre le souhait de passer une belle fête familiale et l’accueil du mystère de l’Incarnation, n’y a-t-il pas « photo ».
L’un n’exclut pas l’autre, bien évidemment, mais une hiérarchie s’impose.

Mes frères bienaimés…
Aujourd’hui débute le temps de l’Avent…
Qu’il ne soit pas un temps perdu supplémentaire…

En bref, qu’est-ce que j’attends de lui… ou plutôt de moi ?
Si vous avez déjà de fortes et concrètes attentes qu’allez-vous mettre en œuvre pour y arriver ?
Allez-vous les attendre les bras croisés ou allez-vous prendre des résolutions concrètes ?

Savez-vous, mes frères, que tous aspirent à un monde meilleur, tous voudraient que la société change en mieux,  que les relations soient plus humaines, plus vraies, plus justes… cependant rares sont ceux qui agissent pour que cela se concrétise!
Tous les chrétiens désirent que l’Église reflète mieux le royaume de cieux et prient pour sa sainteté… Cependant, dans la vie réelle, rares sont ceux qui prennent au sérieux l’Évangile et l’appliquent ; et encore moins nombreux sont ceux qui osent l’affirmer publiquement…
Tant de gens parmi nous ont beau attendre Noël ! et pourtant, dans le quotidien, voudrai-il une loupe géante pour voir les différences entre nous et ceux qui ne croient en rien…
Et ne prenez pas cela comme un reproche…
C’est triste de constater que nous ressemblons plus au moins aux protagonistes de la pièce de Samuel Beckett dont je vous ai parlé au début. Nous attendons comme eux attendent, sans rien faire…
A l’image de leur ultime échange qui survient après des monceaux de tirades sur la nécessité d’agir…

Alors, on y va ?
Allons-y !
Mais ils ne bougent pas précise Beckett en didascalie.

Alors, mes frères et sœurs bienaimés, ne les imitons pas !
Soyons plutôt extrêmement concrets durant ce temps-là de l’Avent. Aujourd’hui, ce soir, avant même d’aller nous coucher, réfléchissons sur nos souhaits profonds, sur nos attentes, et choisissons-en une, une seule ! bien déterminée. Celle qui nous parait la plus essentielle et la plus urgente pour notre progrès spirituel.
Notons-la dans notre agenda, dans le planning de notre portable… ou sur un post-it collé contre le miroir de la salle de bain ou l’écran de notre ordinateur, afin que nous ne la perdions jamais de vue.
Demain et  après-demain,  réfléchissons sur les moyens  qui permettraient de réaliser nos attentes… et ensuite, appliquons-les systématiquement, chaque jour un petit peu… Et je vous le promets :
vous y arrivez car aucun don de grâce ne vous manquera, à vous qui attendez de voir se révéler notre Seigneur Jésus Christ.
 
Ainsi-soit-il !

[1] https://fr.m.wikipedia.org/wiki/En_attendant_Godot