Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse St Pierre et St Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon
La foi en petit Jésus en culotte de velours ne suffit pas.
L’Épiphanie du Seigneur, 7 janvier 2018
Lectures :
Is 60,1-6 : Debout, Jérusalem, resplendis !
Eph 3,2-3a.5-6 : ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage…
Mt 2,1-12 : Où est le roi des Juifs, qui vient de naître ?
La magie de Noël ne s’est pas arrêtée le 26 décembre…
Elle se poursuit jusqu’à nos jours par l’Épiphanie du Seigneur.
Le cortège des trois rois-mages avec leurs présents de valeur arrive donc de fort loin. Nous l’imaginons bien.
S’ils étaient rois des royaumes situés aux extrémités du monde, comme le veut une ancienne tradition, ils ne pouvaient venir seuls, à pied, à l’instar des gens du peuple.
Ainsi, à la chevauchée des rois-mages auraient pu se joindre des chevaliers à l’armure argentée et dorée, l’épée au côté, accompagnés d’une théorie de pages, valets, écuyers… peut-être même de vivandières.
On aurait pu voir des animaux exotiques tels des dromadaires hautains, des éléphants bénins, de magnifiques pur-sang arabes et parfois même des guépards comme en témoignent les objets d’art consacrés à l’adoration des mages dans nos crèches provençales.
Sans doute de beaux vêtements étaient-ils de rigueur… et des visages radieux, la joie aux lèvres, car nos pèlerins lointains allaient voir se confirmer leur découverte céleste : un nouveau-né couché dans une mangeoire sous la protection d’une bonne étoile…
Le contraste est frappant : le faste, le luxe à l’orientale, la magnificence d’un côté, et de l’autre, l’humilité du Divin Enfant qui se contente d’une botte de paille, des genoux de sa maman chérie et de simples bêtes de somme, sûrement stupéfaites de toutes ces splendeurs étalées sous le toit de leur étable.
Certes, nous pourrions en tirer la conclusion hâtive, comme le font certains, que Dieu, naissant dans d’aussi modestes conditions, méprise tout ce qui ne l’est pas. Cependant, si c’était vraiment le cas, notre Seigneur, le Christ, aurait-il accepté les dons précieux qui lui étaient offerts ?
Nous nous sommes déjà dit, lors de mon homélie du jour de Noël, il y a deux semaines, que Jésus n’est pas venu dans le monde pour améliorer ses relations géopolitiques et établir la justice sociale. Ce n’était pas son but premier !
Le Christ n’est ni un révolutionnaire ni un vulgaire agitateur public : Il est le Sauveur du monde, donc tout particulièrement des hommes.
Donc, s’il est venu jusqu’à nous, c’est pour nous guérir de nos péchés, sources de tant d’injustice et d’intolérables abus.
Il me revient à l’esprit un bas-relief sculpté sur l’autel d’une église du Frioul en Italie lombarde. Ce bas-relief représente des mages imberbes, vêtus à la lombarde, portant leurs cadeaux à l’Enfant Jésus. Ils sont guidés par des étoiles en forme de fleurs et par un ange voletant au-dessus de leurs têtes.
On y remarque une étrange particularité: les mages sont dépourvus d’oreilles !!!
Nous pouvons, certes, recourir à une explication technique : la peinture des oreilles a disparu au fil du temps. Mais ne pourrait-on pas tenter une signification mystique : le Christ parle au cœur et non aux oreilles ?
Ainsi, Jésus ne veut pas tant changer de système politico-économique que le cœur de l’homme. C’est sa cible !
Si l’homme devenait saint et visait le bien, le monde, la société, tout ce qui constitue le cadre de travail et de vie changerait.
Ne nous souvenons-nous pas d’une phrase de notre Maître Divin notée dans l’Évangile selon saint Mathieu : cherchez d’abord le Royaume et sa justice et tout cela vous sera donné par surcroît (6,33).
Christine Orban, écrivaine, dramaturge et critique littéraire française l’a redit aussi, mais en un sens négatif : le premier ennemi à combattre est à l’intérieur de soi. Souvent, c’est le seul.
Alors, nous, où en sommes-nous ?
Bien évidemment, je ne voudrais pas faire votre examen de conscience public.
Je pense que vous êtes assez grands pour le faire par vous-même, dans le secret de votre maison…
J’aimerais pourtant que nous prenions tous conscience qu’un évènement majeur, exceptionnel, s’est produit à Bethléem il y a déjà deux mille ans.
Les fêtes de Noël, qui nous le rappellent une fois de plus, sont derrière nous. L’année nouvelle a commencé, les crèches-souvenirs de la venue du Christ parmi nous pour nous ramener à la conversion sont encore dans nos églises…
Pouvons-nous alors passer à côté de tout cela dans la plus totale indifférence ???
Malheureusement, nous le pouvons….
Ce qui nous demeure souvent en mémoire âpres les fêtes de Noël, c’est une ambiance familiale et festive…, parfois des cadeaux à revendre au « Bon Coin ».
Ne trouvez-vous pas tout cela bien piètre pour que le monde change et devienne meilleur ?
Si nous, disciples du Christ, enfants de lumière, protagonistes de la Vie, restions à la crèche sans aller plus loin, croirions-nous vraiment possible de conduire à maturité notre foi ?
Car si nous ne nous arrêtions qu’à la crèche, notre foi y stagnerait également… infantile, incomplète, sentimentale, superficielle…
Alors, il est bien beau de s’arrêter à Bethléem, de s’incliner devant le mystère de l’incarnation, d’adorer le Nouveau-né, de lui offrir ce qui est jugé le meilleur… Néanmoins, il est nécessaire ensuite de repartir chez soi par un autre chemin que celui qui a conduit jusqu’à l’étable.
Les trois rois-mages l’ont parfaitement compris.
D’ailleurs, leurs présents indiquent la direction à prendre : L’or signifie le royaume des cieux que Jésus est venu annoncer, l’encens se restaure à la divinité de Jésus, enfin, la myrrhe, une résine odorante utilisée au cours des célébrations funéraires pour embaumer les défunts, annonce la mort et la souffrance rédemptrice du Christ.
Par conséquent, la foi véritable et mûre en Dieu part de Noël.
Elle commence avec la naissance du Christ en moi, dans mon quotidien. La foi part donc du constat que Dieu est au milieu de ce monde-là. Il n’est plus au-dessus, en-dessous, quelque part, mais dans MA VIE.
Toutes les conversions et histoires des saints témoignent que tout a changé dans leur vie dès lors qu’ils ont compris que Dieu est proche… qu’il est né dans leur VIE, et non seulement dans un petit village de Terre sainte.
Cependant, la foi en ce petit Jésus en culotte de velours ne suffit pas…
Il faut que la foi Le suive pas à pas, de très près…
Qu’elle soit présentée et circoncise comme Lui au temple à Dieu le Père.
Qu’elle grandisse et se fortifie durant le long temps de vie cachée et laborieuse, à l’instar de celle que Jésus a vécue à Nazareth …
Qu’elle sorte ensuite sur les routes de Palestine et crie publiquement : le royaume des cieux est proche…
Enfin, la foi doit passer par l’épreuve de la croix… faisant ainsi mourir en soi tout dernier résidu du péché, et bien plus : elle doit mourir elle-même, parce que, là où elle aboutit, elle n’a plus de raison d’être.
Je vous rappelle, mes chers amis, que la vie éternelle n’est plus alors question de foi, mais d’expérience.
Ainsi, mes frères et sœurs bienaimés, en ce premier dimanche de l’année, lorsque nous adorons Jésus en compagnie de trois mystérieux pèlerins royaux, je souhaite qu’aujourd’hui vous repartiez chez vous comme eux l’ont fait, par un autre chemin, celui de la foi qui demande engagement personnel et entretien systématique.
Et n’oubliez pas : seule une foi élaborée, réfléchie, pratiquée conduit à la résurrection de la chair et à la vie éternelle, donc à l’Epiphanie du Seigneur à la fin des temps.