Homélie : Ne vivez pas comme des fous. 20ème dimanche du Temps ordinaire, année B, le 19 août 2018

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse St Pierre et st Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

Ne vivez pas comme des fous
20 dimanche du Temps ordinaire, année B,
Le 19 août 2018

Lectures :
Pr 9,1-6 : La Sagesse a bâti sa maison…
Eph 5,15-20 : Frères, prenez bien garde à votre conduite : ne vivez pas comme des fous.
J 6,51-58 : Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel.

Mes chers frères et sœurs bienaimés !
Nous vivons des temps fascinants :
toutes ces découvertes scientifiques, toutes ces prouesses techniques, toute cette ingéniosité de l’homme contemporain sont impressionnantes !
Le progrès semble n’avoir aucune de limite.
Il y a ne serait-ce que 20 ans en arrière, ce qui parait aujourd’hui banal et ordinaire, était considéré comme fantastique.

Nos montres vraiment s’accélèrent !!!
Quelqu’un m’a raconté récemment les soucis avec son portable qui, tombé par terre, s’est cassé. Alors, il se rend au service après-vente pour demander le changement de vitre de son téléphone. Le technicien lui demande l’âge du mobile en question.
– « Je l’ai acheté en 2014 », lui répond-il…

– 2014 !? – répond le technicien – là, il n’y a rien à faire, sauf en acheter
un neuf, car pas de pièce rechange pour les modèles si anciens.

Je ne vous raconte pas la stupéfaction du propriétaire.
Il se croyait moderne, se servir d’un outil de communication plutôt récent, et non ! Il est apparu à l’homme de l’art comme un vieux schnock utilisant un appareil antédiluvien !!!
C’est fini le frigo, le lave-linge, le poste de télé qui duraient des dizaines d’années. Maintenant, après 3 ou 5 ans, tout est obsolète… et c’est terminé. On passe au modèle suivant puisque le précèdent tombe en panne – mystérieusement – seulement quelques semaines ou petits mois après l’expiration de garantie.

Si l’on parle encore de la médecine d’aujourd’hui, nous sommes impressionnés par son évolution spectaculaire. Les médecins font des « miracles » époustouflants sur des maladies qui décimaient il y a peu les populations de nos ancêtres.
Bref, on assiste à une vie trépidante, rythmée par des changements rapides et constants visant à la plus grande vulgarisation du confort et de la prévention.

Même si nous trouvons toujours des contestataires et des mécontents, il est manifeste que vivre à présent est bien plus facile qu’autrefois.
Tout ou presque est à portée de la main. L’homme dispose donc de beaucoup d’instruments pour son bienêtre.

Alors, si tout va pour le mieux, pourquoi a-t-on impression que notre monde marche sur la tête ?
Théoriquement, nous devrions être plus épanouis, heureux et satisfaits; la vie en commun devrait être encore plus agréable; les soucis et les contraintes significativement diminués devraient nous affranchir davantage, donnant encore plus du temps pour nous-même….

Hélas, les observations du quotidien, prouvent le contraire.

Où y-a-t-il erreur ?
Les réponses sont multiples…
Quant à moi, je signalerai surtout la confusion de quelques concepts clés.
Dirai-je même qu’il y a une telle confusion sémantique que les gens utilisant les mêmes mots leur mettent, souvent inconsciemment, un sens bien différent, sinon diamétralement opposé.

Alors, rappelons-nous quelques évidences :
La science ne signifie pas d’office la sagesse ;
L’évolution n’est pas forcément synonyme de progrès ;
Le savoir-faire technique n’est pas divin ;
L’intérêt ne vaut pas automatiquement la morale.

Les textes liturgiques fixés pour ce dimanche, particulièrement le premier et le deuxième, sont intéressants pour notre réflexion. Les phrases de saint Paul adressées aux Ephésiens sont d’ailleurs d’une grande actualité :
Frères, prenez bien garde à votre conduite : ne vivez pas comme des fous, mais comme des sages. Tirez parti du temps présent, car nous traversons des jours mauvais. Ne soyez donc pas insensés…

Oui, le monde, hier comme aujourd’hui, qui propose et crée des choses merveilleuses, étrangement pousse les gens à vivre comme des fous, à accepter l’inacceptable, à avaler jusqu’à l’indigestion, courir à bout de souffle et dans tous les sens, sans pourtant avoir un objectif clair.

Je n’ai pas l’intention de faire une liste des comportements sociétaux qui auraient été impensables, car hallucinants, il y a encore une quinzaine d’années.
Faute de temps, je préfère vous laisser le loisir de les répertorier vous-même…

Vraiment, s’il vous plait, faites-le ce soir ou demain.
Vous-même serez vraiment consternés de voir combien d’idées « farfelues » sont déjà devenues « normales » et acceptable…. Combien d’anomalies sont désormais normalisées, car elles sont entrées dans les doctes débats de spécialistes : anomalies qui auparavant étaient inadmissibles puisque
contre nature et bon sens, jugées choquantes, amorales, ou tout simplement : folles.

A votre indéniable prise de conscience, mes frères bienaimés, je n’ajouterai que quelques pensées pour vous aider à réagir face à la folie du monde…

Quelle position faut-il adopter :
Se replier sur soi-même, se réfugiant dans la tour d’ivoire de notre foi ?
Ou, peut-être, faut-il laisser courir les choses car, de toute façon, tout sera réglé à la fin des temps, au jugement dernier ?
Ou encore, contre vents et marées, donner l’exemple, en proposant un modèle alternatif de vivre ?

J’espère que nous tombons d’accord que la troisième solution, la seule, soit digne d’attention.
L’enfermement sur soi ou la lâcheté ne sont pas des solutions préconisées par l’Évangile tel que nous le connaissons.
Le Christ, le catholicisme, l’Église ont toujours réussi à susciter l’envie aux autres, même à ses adversaires.
Il suffit de regarder le passé pour constater combien de fois les empires du mal et les idées humainement alléchantes après quelque temps de domination se sont écroulées face à la force tranquille de l’Esprit Saint toujours en action dans son peuple de saints.

Un exemple récent, dont moi-même ai pu être témoin : la chute du régime communiste.
Lorsque j’avais 10 ans, personne, personne ! ne pouvait imaginer que le communisme tomberait dans les pays du Pacte de Varsovie.
Lénine, Staline et Brejnev paraissaient éternels.
Le totalitarisme était partout…. La libre pensée traquée… l’opposition ridiculisée ou tout simplement liquidée….

Il est bien vrai qu’il y eut des gens qui ont cru qu’un autre monde ne pouvait exister hormis celui dans lequel ils vivaient. Ainsi, ils essayaient tant bien que mal de s’adapter et de collaborer avec le système pour obtenir quelques privilèges facilitant leur quotidien.
Par contre, il y en eut d’autres, dont les nombreux prêtres de l’Église Catholique, qui ne se sont pas laissés envahir par le pessimisme. Même trainés devant les tribunaux, traqués et emprisonnés dans des lieux sordides et infects, ils n’ont pas cessé de rêver à un monde nouveau.
L’histoire leur a donné raison, enterrant pour de bon les apparatchiks de l’ancien régime.

A présent, c’est à notre tour de dire stop aux différentes folies.
C’est à nous de dire les choses comme elles sont réellement, non comme elles sont présentées par des bienpensants et idéologues de toute sorte.
N’attendons pas que quelqu’un le fasse à notre place.
Ne cherchons pas des excuses : on est vieux, on n’y peut rien, on ne connait personne, on n’est pas assez influent !…

Mes chers amis, je ne vous demande pas d’aller à L’Élysée apostropher Monsieur le Président de la République.
Commençons à le faire là où nous vivons. Disons tout simplement les vérités, bien qu’elles soient impopulaires et dérangeantes.

Si vous perdiez à cette occasion quelques amis, ce qui n’est pas impossible en soi, tant pis. Ce serait même bénéfique pour vous car vous garderiez ceux qui réfléchissent et sont capables d’entrer en discussion. La sélection se ferait tout naturellement…
Soyez comme la Sagesse dont nous parle aujourd’hui le livre des Proverbes.
Cette sagesse qui bâtit sa maison et prépare son vin, puis dresse la table en vue d’inviter largement.

Invitons donc à nos tables et à nos débats les étourdis, les conformistes, les maitres du nouvel ordre… et même ceux qui n’ont aucune opinion. Partageons avec eux notre vision des choses à partir de l’Évangile – la sagesse de vivre bien et en vérité.
Au lieu de nous retirer de la place publique, allons-y plutôt.
Vous savez : la nature n’aime pas le vide… Si ce n’est pas nous, quelqu’un d’autres prendra la place… c’est ainsi.

Regardez comme tous les lobbys féministes, LGBT, libéraux de toute nature, écologistes sont omniprésents. Certes, ils sont fortement aidés par les médias idéologiquement marqués….
N’oublions pas, par contre, que les moyens techniques nous offrent de nouvelles possibilités d’exister et de diffuser ce que nous croyons et pensons.
N’oublions pas, surtout, le contact direct : le face à face est précieux.

Regardez le Christ, dont l’Évangile nous raconte aujourd’hui les hauts faits : il aborde le sujet hyper-difficile de l’Eucharistie – ce pain de vie qui n’est pas comme les autres… ce n’est pas une baguette parisienne ni un pain aux céréales !
C’est son corps et son sang versé pour nous.

L’idée heurte les gens.
Ils ne sont pas d’accord. Ils s’opposent violemment au Christ et à son propos.
Mais le Christ, que fait-il ?

Il recule ?
Il change de sujet pour le rendre plus plaisant ?
Peut-être reste-t-il muet ???

Non, absolument non !
On n’élude pas la vérité pour gagner quelques adeptes.
La sagesse, à l’instar de l’huile, remonte toujours à la surface…, mais il faut
lui laisser du temps…

Amen