Lectures :
Ac 4,32-35 : La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme…
1 Jn 5,1-6 : Voici comment nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu.
Jn 20,19-31 : Thomas, appelé Didyme, n’était pas avec eux quand Jésus était venu.
Peut-être qu’en cette période de confinement, cela vous arrive moins, même plus du tout, faute d’autorisation de sortir le soir, hormis des cas très particuliers. Néanmoins, je pense qu’autrefois, quand le monde avait encore la possibilité de vivre normalement, des situations dont je vais vous donner l’exemple sont arrivées à beaucoup d’entre nous.
Ne vous souvenez vous pas qu’au lendemain d’un événement, d’un anniversaire, d’une pièce de théâtre, bref, d’une sortie, vos amis ou collègues de travail, en vous rencontrant, vous ont dit :
« Mon vieux, tu as raté quelque chose !
Nous on s’est marrés comme pas possible !!!
Ou : La soirée d’hier était fabuleuse. C’était vraiment magique ce que nous avons vu. Tu as de quoi regretter de ne pas être venu avec nous…
Puis ils se mettent à vous raconter leur vécu et les émotions qui les ont fait vibrer lors de ladite sortie.
Et vous ?
Et vous ? eh bien vous regrettez sincèrement, même si vous ne voulez pas le montrer, car justement, vous deviez sortir avec eux mais à la dernière minute, vous vous êtes dit :
« Bof, pas envie !!!
Il fait froid. Est-ce que cela vaut vraiment le coup d’y aller ?
Zut ! je préfère rester sur mon canapé, avec mes chips et ma télé.
Il est difficile de tout comprendre, mais l’absence de Thomas au cénacle lors de la 1ère apparition du Christ laisse entendre qu’il s’est passé quelque chose dans ce genre. Thomas n’a pas trouvé assez intéressant de rester au cénacle avec ses collègues apôtres.
Peut-être était-il déçu que le Christ ait été crucifié ?
Etait-il dépité, pensait-il que la belle aventure vécue avec le Christ avait pris fin ? Ressemblait-il aux disciples d’Emmaüs qui avaient plié bagages pour s’en aller ?
Pas tout à fait, quand même, puisqu’il était revenu au cénacle et y avait appris la nouvelle.
- C’est très bien, Jumeau, que tu sois revenu, mais tu as raté un truc de «ouf» !
Jésus est revenu, il est ressuscité, il est même venu jusqu’ici. Incroyable, de le revoir de nouveau, si beau, si différent… mais pourtant le même.
Vraiment, tu as raté une chose énorrrrme !
Vous savez, parfois, j’imagine les scènes bibliques. Je me mets dans la peau des personnages pour ressentir leurs émotions probables car, dans le fond, nous sommes restés très semblables dans nos réflexes spontanés.
Alors, pensons à Thomas qui, à ce moment-là, apprend que Jésus est apparu aux autres apôtres : la moutarde a quand même bien dû lui monter au nez !
Mi jaloux, mi en colère, il ne veut pas se laisser impressionner. Il adopte donc cette ligne de défense assez habituelle, à savoir, minimiser l’événement en question.
C’est ce que nous faisons aussi lorsque nous avons raté une chose alléchante et intéressante. Ne nous disons nous pas, en guise de réponse :
- Ah oui ! oui…, oui… d’accord ! mais
vous savez ? J’ai également passé
une très bonne soirée.
C’est exactement ce que répond Thomas à ses compagnons de route : du calme, du calme…. N’exagérez pas trop ?
Vous en êtes sûrs ?
Vous n’aviez pas un peu trop bu ? Vous avez vu le Maître ?
« Vivant, vous voulez rire ?
De loin – mais tout de même ! – j’ai vu son corps accroché à la croix, les montants rougis de sang et sa tête pendante en signe de mort !
- Qu’à cela ne tienne ! rétorque le Christ en surgissant dans le cénacle.
Viens ici, Thomas douteur ! Allez ! un peu de courage, approche-toi ! Parfait !… N’aie pas peur… tu vois comme ton doigt vient d’entrer dans ma paume !
Et ce n’est pas terminé !
Maintenant, donne-moi ta main, et passe-la…
tout entière… dans mon côté !
Tu es dedans ? …
Ah, c’est impressionnant, n’est-ce pas ?…
Dis-moi… Thomas … tu doutes toujours ?
– Tu es mon Seigneur et mon Dieu !
– Heureux de te l’entendre dire ! Mais que personne ne prenne exemple sur toi! Bienheureux ceux qui croiront en moi sans disposer de preuves … palpables! » [1]
Mes frères et sœurs bienaimés,
Aujourd’hui, nous fêtons d’une façon particulière la miséricorde divine.
Grâce à la décision du Saint Pape Jean Paul II, depuis 2001, le deuxième dimanche de Pâques est devenu le dimanche de la Divine Miséricorde qui, autrefois, portait le nom de dimanche de Saint Thomas.
L’apparition de notre Seigneur à Thomas, son indulgence à son égard allant jusqu’à lui permettre de mettre la main et le doigt dans ses plaies, était un acte de miséricorde par excellence.
Thomas ne l’avait pas mérité, son orgueil lui faisant douter de la parole des amis avec lesquels il avait quand même passé trois ans.
Sa hardiesse avait failli causer une rupture définitive avec le camp des apôtres et le Christ.
Malgré cela, le Christ ressuscité lui avait accordé une chance supplémentaire.
Et Thomas l’avait saisie… Et Il avait été sauvé !
Je pense qu’en sortant de cette sainte messe, nous aurions tout intérêt à scruter notre environnement pour découvrir, fruit du hasard !!! s’il n’y aurait pas des personnes ou des sujets que nous jugerions perdus d’avance.
Pour lesquelles nous nous serions dit : bof !!! peine perdue !!! dommage de consacrer notre précieux temps.
Pourtant, si tel était le cas, essayons encore, aujourd’hui ou dans le courant de la semaine – une fois de plus…, peut-être la dernière – de leur accorder un acte miséricordieux…, de leur tendre la main…, de leur pardonner…
Passez ainsi au-delà de tout entêtement et de toute bassesse.
Je ne vous garantis pas que le résultat sera concluant…
Peut-être personne ne se convertira-t-il, à l’inverse de Thomas l’apôtre…
Par contre, une chose dont je puis vous assurer… c’est que, par ce geste de dépassement de soi, vous prouverez que vous êtes homme ou femme de Pâques, en lesquels le Christ est toujours présent, bien vivant !!!
Père Przemek KREZEL, curé +
[1] Michel-Marie ZANOTTI-SORKINE, l’Evangile à cœur ouvert, éd. Robert Laffont, Paris, 2018, pp.493-494