Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse st Pierre et st Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon
J’ai la prétention de ne pas plaire à tout le monde
4 dimanche du temps ordinaire, année C,
le 3 février 2019
Lectures :
Jr 1,4-5.17-19 : Moi, je fais de toi aujourd’hui une ville fortifiée, une colonne de fer…
1 Co 12,31-13,13 : Frères, recherchez avec ardeur les dons les plus grands.
Lc 4,21-30 : Mais Lui, passant au milieu d’eux, allait son chemin.
Tout d’abord, je voudrais vous faire une confidence.
Personnellement, je suis toujours surpris par la volteface des gens…
Vous les considérez comme fiables, véritables, courageux, et tout à coup, un ou une série d’évènements démolissent complètement cette image idéale.
Sans doute avez-vous vécu la même désillusion… par exemple à l’école…
Je me souviens d’un collègue de classe, authentique meneur de foules, toujours le premier à fomenter des farces et des âneries.
En revanche, une fois ses forfaits réalisés et les représailles tombées de la part du corps enseignant, il se faisait tout petit, arborait un regard d’ange, criant à corps et à cris qu’il était innocent.
Et ça fonctionnait puisque, la plupart du temps, les autres écopaient de la prune, mais pas lui.
Dans la vie des adultes, les choses se passent fréquemment de manière identique.
Étrangement, les grands se comportent à l’instar des gosses, dès lors qu’il s’agit de défendre des convictions et des valeurs qui ne sont pas au goût du jour.
Nous tous connaissons – pardonnez-moi l’expression – des forts en gueule, toujours prêts à critiquer, à réformer, à jeter la pierre.
Pourtant, il suffit qu’ils se trouvent face à leur patron direct, devant un fonctionnaire d’état ou devant le maire de leur village… pour qu’eux qui avaient tant de choses à dire, soudainement, deviennent mutiques, rentrent dans leurs petits souliers, hochent la tête en signe d’une concorde parfaite avec le pouvoir en place.
Et vous qui les croyiez représentants et défenseurs des justes causes … vous en restez sur le carreau…, abasourdis….
Le retournement de veste que je viens de décrire n’est pas le propre des seuls gens de ce monde. Il concerne, hélas, aussi, les chrétiens…
Peut-être vous l’ai-je déjà dit, mais je le vais le répéter quand-même : dans les mairies où il y a des chrétiens pratiquants, parfois membres actifs de notre communauté de foi, dans la majorité des cas, je sais, pour en avoir fait l’expérience, que je ne peux rien espérer d’eux ou fort peu !
Ils ne sont pas méchants…, loin de là.
Ils sont tout simplement insignifiants…, transparents lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts de la paroisse.
Ils ont la frousse de dire quoi que ce soit, pour éviter qu’on les accuse de parti-pris ou pire, pour des grenouilles de bénitier.
En revanche, lorsqu’il s’agit d’associations laïques, culturelles, que sais-je encore ? dont ils sont membres, ou s’il s’agit de changer le PLU pour que des terrains inconstructibles appartenant à l’un ou plusieurs élus deviennent vendables à bon prix, à ce moment-là, ils ne se gênent pas pour prendre la parole et défendre les projets.
Mes frères et sœurs bienaimés,
Si je me suis permis d’aborder ce sujet pas facile à entendre, c’est parce que les lectures de ce dimanche nous y invitent…
Avez-vous retenu la parole du Seigneur dite à Jérémie ?
Jérémie est présenté souvent comme un grand solitaire que sa mission a contraint de rester à l’écart de la société, situation dont il a souffert.
En outre, Jérémie n’aura ni femme ni enfants. Il a connu aussi la prison, a été brutalisé, exilé en Égypte. Enfin, c’est lui qui a prédit la destruction du temple de Jérusalem et l’exil des juifs à Babylone. (1)
Pressentant que la mission ne serait pas simple, il fuyait Dieu…
Mais une fois acceptée, il était devenu la voix de la conscience du peuple en proie à de multiples dérives.
Alors, pour que les choses soient claires, le Seigneur définit la mission. Il prévint donc Jérémie :
Toi, mets ta ceinture autour des reins et lève-toi, tu diras contre eux tout ce que je t’ordonnerai.
Ne tremble pas devant eux, sinon c’est moi qui te ferai trembler devant eux.
Le ton est donné : le prophète, celui qui annonce la parole de Dieu, ne peut se laisser impressionner par le pouvoir, la force, la richesse.
Il doit dire ce que Dieu lui intime de dire… sans complaisance, sans vouloir plaire démagogie à ses auditeurs.
Car la question de plaire, mine de rien, n’est pas anodine.
N’est-il pas vrai que le besoin d’être aimé, accepté, considéré fait que souvent nous nous taisons ? Même si nous connaissons la vérité et diagnostiquons bien le mal, nous nous abstenons pour ne pas froisser les gens… pour ne pas les contrarier…
Et le Christ, Lui, comment se comportait-il ?
Il se taisait ou bien il défendait la vérité ?
Certes, il adaptait son discours à son auditoire, car il avait le souci d’être bien entendu et compris. En revanche, jamais, jamais il ne modifiait le fond de sa pensée pour plaire aux gens. Jamais !
Ici, je citerais volontiers Sacha Guitry, homme aux multiples talents, extravagant, et qui avait un sens de l’humour et de l’observation inégalables…
Il aimait à dire :
J’ai la prétention de ne pas plaire à tout le monde.
Eh oui, mes frères et sœurs bienaimés, il est nécessaire, sinon urgent, que nous, disciples du Christ, ayons la prétention de ne pas plaire à tout le monde.
Mes frères et sœurs bienaimés, vous pourriez me dire qu’il est difficile être contre tous….
Je vous répondre par une citation prise des écrits du père Popieluszko.
Il était un prêtre catholique polonais, l’aumônier du syndicat Solidarność et l’une des figures emblématiques de la lutte contre le régime communiste en Pologne. Il a été brutalement assassiné le 19 octobre 1984 par des agents de la police secrète.
Alors le bienheureux père Popieluszko un jour a écrit les phrases suivantes (2), aujourd’hui je vous les offre en cadeau :
La vérité contient en elle la capacité de résister et d’éclore à la lumière du jour, même si on essaie de la cacher avec beaucoup d’application et de soin. Les hommes qui proclament la vérité n’ont pas besoin d’être nombreux.
Le Christ s’est d’ailleurs entouré d’un petit nombre de personnes. C’est le mensonge qui réclame du monde car il a toujours besoin d’être renouvelé, alimenté.
Notre devoir de chrétien est de demeurer dans la vérité, même si elle coûte cher.
(1) cfr. https://fr.wikipedia.org/wiki/J%C3%A9r%C3%A9mie
(2) Bernard BRIEN, Jerzy Popieluszko. La vérité contre le totalitarisme, éd. Artège, p.11