Lectures :
Is 45,1.4-6a : je t’ai appelé par ton nom…
1 Th 1,1-5b : …Vous avez été choisis par lui.
Mt 22,15-21 : Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu
La dernière phrase de l’Evangile que je viens déclamer est connue même de ceux qui n’ont aucune éducation chrétienne. Elle est entrée dans les dictionnaires et dans toute sorte de recueils d’expression et de dictons populaires.
Il suffit donc de dire : Rendez à César ce qui est à César… pour que celui qui l’entend finisse spontanément : et à Dieu ce qui est à Dieu.
Voyant la popularité de cette affirmation, on pourrait croire que tout le monde connaît son auteur et le contexte dans lequel elle a été prononcée.
Hélas, bien peu nombreux sont ceux qui la situent vraiment !
Le plus souvent, ce sont des athées ou des laïcards qui la citent avec plaisir, pour défendre ou vanter le concept de laïcité.
Paradoxalement, ceux qui veulent fermer la bouche à l’Eglise citent innocemment celui qui l’a créée.
Paradoxalement, ceux qui se veulent modernes, dans l’air du temps, fils des lumières, invoquent celui qui est considéré par eux-mêmes comme démodé, d’un autre temps, bref : archaïque.
Le plus stupéfiant est le fait que nous, disciples du Christ, vivant au vingt et unième siècle, nous laissons faire…
Bien pire, même ! nous nous laissons voler par d’autres les trésors que l’Evangile a rapportés et apporte toujours au monde. Nous finissons par croire que le temps actuel, la démocratie, la modernité, la liberté d’expression de chaque individu, sont nés ex nihilo : du néant, de l’abîme…
Par notre passivité, nous laissons admettre que le monde dans lequel nous vivons n’a eu aucun passé, comme s’il tombait du ciel…
Que le Christianisme, la foi en Christ, Lumière du monde, n’a rien apporté… sauf un peu d’œuvres d’art, un peu d’architecture. Même la messe de Mozart finit par être écoutée comme un simple opus lors de nombreux concerts…
On a complètement oublié qu’elle était conçue principalement pour devenir une prière dans la bouche des fidèles…
Sur le sujet d’appropriation inconsciente des valeurs foncièrement chrétiennes par le monde d’aujourd’hui, je vous conseille de lire un livre de René Rémond, académicien. Il est intitulé : Les Grandes inventions du Christianisme. [1]
Dans cet ouvrage de 250 pages, l’auteur, ainsi que d’autres universitaires connus et reconnus, aborde les concepts qui constituent, qu’on le veuille ou non, les fondamentaux de la civilisation européenne.
Est-il suffisant que je mentionne les conceptions de la personne, de l’universalité, de la primauté de la moralité, des droits de l’homme, de la féminité ?
Ainsi devrions-nous être fiers de nous en référer… mais souvent, trop souvent, ce n’est pas le cas…
Facilement, nous nous laissons impressionner par des discours médiatiquement corrects à la mode du moment, et nous nous replions sur nous même pour éviter des conflits… au nom – soi-disant – de la laïcité qui, combattant toute religion, est elle-même devenue religion d’état.
Par conséquent, nous laissons croire que la laïcité – cette idée de la séparation de l’Etat et de l’Eglise – a été conçue dans la tête des anticléricaux du début du 20 siècle…
C’est faux… archifaux…
C’est le Christ en personne qui est à l’origine de la séparation entre ce qui relève du temporel, donc fugace, et ce qui relève du divin, donc par définition accompli, plein, achevé.
Redisons-le bien : c’est le Christ qui a fait la distinction entre le pouvoir de l’homme et le règne de Dieu. Dirais-je même plus : le Christ, distinguant ces deux réalités, ne voulait pas du tout les séparer, les diviser et les opposer.
Notre Seigneur a posé simplement les jalons d’une véritable laïcité, qui n’est pas comprise comme opposition à la foi et à toute expression religieuse, mais comme une liberté de parole, de par son indépendance vis-à-vis de tous les autres pouvoirs, économiques ou politiques. [Le Royaume de Dieu] n’étant pas de ce monde, elle a toute latitude pour exprimer son avis sur les événements de notre temps, sans crainte de déplaire. [2]
Alors la laïcité n’a pas été inventée pour protéger une quelconque république, comme veulent nous le faire croire certains courants politiques ou historiques.
Elle a été promue par le Christ, il y a 2000 ans déjà, pour protéger d’abord la foi des influences sociopolitiques qui tentaient et tentent toujours de prendre en otage les croyants.
Hypocrites, pourquoi voulez-vous me mettre à l’épreuve ?
Ce cri du Christ noté par l’évangéliste Matthieu est également aujourd’hui d’actualité…, car d’un côté les chrétiens – comme tous les citoyens d’ailleurs – sont invités à débattre sur les questions de sociétés telles que la corruption des élites, l’état des hôpitaux français dans le contexte d’une pandémie, la loi du marché et du profit, le projet de loi concernant la vie humaine in utero, l’élargissement de la procréation médicalement assistée pour les femmes seules et les couples de lesbiennes et encore pire ! du délai légal de l’avortement, le rôle de l’éducation nationale, le sujet qui est de nouveau relancé après l’horrible décapitation d’un professeur d’histoire-géographie
à Conflans-Sainte-Honorine dans les Yvelines par un militant islamiste.
De l’autre coté, une fois leur position entendue au nom de la cohérence entre la vie et la foi, très souvent les chrétiens sont réduits au silence, serviles et ridiculisés.
On a le sentiment d’un piège tendu comme autrefois au Christ…
Les évêques français, dans une déclaration datée d’il y a quelques années, parlaient déjà d’une « intolérance à l’égard de l’Eglise catholique » dans les débats récents, et ils affirment en retour que les catholiques « n’entendent pas être des citoyens interdits de paroles ». [3]
Mes chers frères et sœurs,
Toute société doit être organisée…, toute société a ses règles…, la séparation
entre ce qui est de César et ce qui est de Dieu en fait partie.
Le Christ, en se prononçant sur ce sujet, remonte donc aux origines du monde.
L’homme ne devrait pas mépriser les choses terrestres comme la politique,
la société moderne et ses avantages. L’homme est appelé a respecter ceux
qui le gouvernent…, cependant il n’est pas leur otage. « Tout est à vous, mais vous êtes au Christ et le Christ est à Dieu »[4] disait st Paul.
Il n’y a pas deux mondes, le monde de César et le monde de Dieu. La dualité tourne immanquablement à la rivalité. Alors la politique se sacralise, la religion se politise et toutes deux deviennent idolâtrie. Non : rends plutôt à Dieu ce qui est à Dieu, c’est-à-dire tout – et toi avec ! En retour, tu recevras sagesse et audace pour donner à ce monde sa véritable effigie et légende (littéralement icône et inscription): celle du Christ. [5]
[1] René REMOND, Les grandes inventions du Christianisme, Bayard Editions, Paris 2001, pp. 250
[2] Aymeric POURBAIX, L’Eglise n’est pas la grande muette, l’éditorial in : Famille chrétienne, n°1761 (du 15 au 21 octobre 2011), p. 7
[3] Idem. p.7
[4] Col 3,3 ; 1 Cor 3,22-23
[5] P. Alain BANDELIER, César n’est pas Dieu, le billet spirituel in : Famille Chrétienne, n°1761 (du 15 au 21 octobre 2011), p. 3