Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse st Pierre et St Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon
L’homme… hamster dans sa roue ?
18ème dimanche du temps ordinaire,
le 4 août 2019
Lectures :
Qo 1,2 ;2,21-23 : vanité des vanités…
Col 3,1-5.9-11 : recherchez donc les réalités d’en haut
Lc 12,13-21 : Tu es fou : cette nuit même, on te redemande ta vie
Les textes bibliques lus tout à l’heure abordent le sujet sérieux des relations entre l’homme et les biens matériels.
Il paraîtrait, au moins à première vue, qu’ils ne tombent pas très à pic : en pleines vacances où les gens dépensent beaucoup plus que d’habitude et où la frénésie de bien-être est omniprésente.
On aurait préféré un sujet moins grave pendant ces températures caniculaires… où la soif nous assèche le gosier.
Cependant, mes frères et sœurs bien-aimés, la parole du Seigneur ne dépend ni de la météo, ni de la conjoncture économique, ni de l’état d’esprit des auditeurs.
La parole de Dieu est vivante et efficace, plus tranchante qu’une épée quelconque à deux tranchants, pénétrante jusqu’à partager âme et esprit, jointures et moelles; elle juge les sentiments et les pensées du cœur. Nulle créature n’est cachée devant lui, mais tout est à nu et à découvert aux yeux de celui à qui nous devons rendre compte. (Hbr 4,12)
Alors, réfléchissons : que voudrait nous dire aujourd’hui le Seigneur ?
Quel enseignement pourrions-nous-en tirer afin de nous coucher ce soir moins bêtes ?
Je pense que chacun de nous a déjà fait ou fera prochainement ses bagages pour partir quelques temps en vacances et jouir d’un farniente bien mérité.
Quoi de plus facile à faire que ses valises ???
Et pourtant, ce n’est pas une tâche aussi simple et aisée…
Je me souviens d’une amie me disant :
« Partir en vacances, c’est cool, faire sa valise un peu moins ».
Et tout cela pourquoi ?
Parce que faire sa valise demande méthode, réflexion et clairvoyance.
Ainsi, souvent, on repousse-t-on toujours au maximum ce moment fatidique où une, voire plusieurs valises, sortent du cagibi et nos armoires s’ouvrent…
Sur Internet, j’ai trouvé quelques raisons expliquant pourquoi faire ses valises est si pénible :
– préparer des listes pour ne rien oublier, d’où angoisse d’omettre un truc important,
– anticiper la moindre sortie,
– réussir à ne pas oublier le vêtement favori du moment
– analyser la météo sur les semaines qui viennent
– constater qu’on ne rentre plus dans le short de vacances qu’on garde depuis 15 ans. [1]
Et si l’on prend l’avion, bien veiller à ce que le poids des bagages ne dépasse pas les limites autorisées.
Sans doute chacun de vous pourrait-il ajouter à cette liste ses propres raisons…
Une chose est pourtant sûre :
il mériterait le prix de Nobel, celui qui inventera la méthode permettant de voyager d’un continent à l’autre, découvrir d’autres cultures, se promener sous toutes les latitudes et tous les climats sans avoir à la main une valise à trimbaler. [2]
En attendant, pour partir en vacances ou ailleurs, il est nécessaire d’affronter le vrai casse-tête qu’est de faire ses valises, d’autant plus compliqué si la famille est nombreuse.
Bref, la rigueur s’impose et, inévitablement, les tensions qui s’ensuivent…
Pourtant, une fois partis, nous constatons que, finalement, tout ce qu’on emporte avec soi est amplement suffisant.
Combien de fois, de retour à la maison, nous constatons que tel t-shirt ou pantalon jugés indispensables, finalement, ne nous ont pas du tout servi !
Mes frères et sœur bien-aimés, le livre de Qohèleth souligne la vanité des choses matérielles et nous met en garde devant l’attrait excessif pour les affaires de ce monde.
La parabole d’un homme riche se réjouissant de sa superbe récolte que l’Evangile d’aujourd’hui nous relate, va dans le même sens. En définitive, son protagoniste, un richissime propriétaire, n’était qu’un pauvre gars qui n’avait pas vu sa mort arriver tant il était accaparé par la surabondance de son domaine.
En dépit des premières impressions, ni le prophète Qohèleth, ni notre Seigneur Jésus Christ ne condamnent la richesse, la réussite, l’abondance.
Arrêtons inconsciemment de soupçonner Dieu comme s’il était jaloux de l’homme vivant dans le bien-être.
Le but de Dieu n’est-il pas, tout de même, que l’homme soit heureux ?
Par ailleurs, ce contre quoi la Bible nous met en garde, c’est surtout le renversement de la hiérarchie des valeurs. Et cela se produit systématiquement dès que l’homme passe du statut de propriétaire à l’esclave de ses propres biens.
Au lieu d’en être maître, il devient son serviteur. Ainsi, il commence à être obnubilé par son portefeuille, son travail, son compte bancaire.
Il ramène tout à l’importance pécuniaire !
Ses amitiés et connaissances sont maintenues en fonction de leur valeur marchande : combien peuvent ou pourront-elles rapporter ?
Malheureusement, l’homme contemporain, donc une peu chacun de nous, s’est laissé convaincre que l’estime que l’on a de lui dépend de ce qu’il possède et de ce qu’il gagne.
Je vous propose donc un petit exercice à la maison : passer en revue quelques personnes de votre famille ou de votre entourage, et regardez bien: l’image que vous avez d’elles ne dépend-elle pas, en majeure partie, de leur situation financière, des postes occupés, de leur métier en vogue et bien rémunéré ?
J’en suis sûr, là où ceux qui ont de l’argent, qui étalent des photos de lieux fabuleux et exotiques sur Facebook ou de fabuleux moyens à leur disposition, jouiront forcément de votre plus grande estime.
Peut-être êtes-vous, d’ailleurs, mi jaloux, mi déçus de ne pas vous trouver à leur place, et cela malgré que vous n’appréciiez pas le caractère de ces personnes et ne vouliez pas forcément devenir leur meilleurs amis.
Mes frères et sœurs,
Comme vous le savez, dans notre paroisse, les prêtres assistent à tous les genres de funérailles. Personnellement, je suis toujours frappé par le fait que les proches ou amis du défunt, qui, au cours de la cérémonie, prennent la parole, ne se concentrent pas sur ce que la personne défunte possédait, mais sur sa personnalité, sur ce qu’elle était.
Certes, parfois, il est mentionné son métier ou sa fonction occupée, mais cela toujours pour mieux décrire ce que la personne était vraiment.
En fin de compte, ils parlent de ce que le défunt a su donner et partager avec eux. Étonnamment, son argent, ses biens, ses distinctions passent au second plan.
Ce qui est primordial et essentiel, c’est la personne elle-même.
Au chevet du cercueil, on comprend fort bien que ce qui compte vraiment dans la vie de l’homme, ce n’est pas ce qu’il a cumulé, mais ce qu’il a su partagé.
Que l’homme et sa valeur se mesurent à la générosité avec laquelle il savait donner… Il savait dominer ce qu’il possédait.
Alors quand, prochainement, mes frères et sœurs bien-aimés, vous ferez vos valises, pensez qu’en dernier ressort le bonheur ne dépend pas uniquement de la quantité des biens entassés.
Pour passer de bonnes vacances et être heureux, nul besoin de beaucoup de choses. Le minimum suffit, car seuls sont nécessaires nos relations avec l’autre, celui avec qui nous pouvons tout simplement partager de beaux moments.
Tout le reste n’est que le superflu qui ligote notre esprit et fait souvent de nous des hamsters, qui galèrent dans leur roue sans pourtant avoir la moindre idée de la raison qui les fait tourner en rond.
Cependant, mes frères, si vous être ressuscité avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut : c’est là qu’est le Christ.
Pensez aux réalités d’en haut, non à celles de la terre.
[1] https://www.elleadore.com/article/faire-sa-valise-en-10-gifs-46297
[2] Cfr., http://www.topito.com/top-tweets-galeres-de-valises