Les saints partagent aussi bien le meilleur que le pire 19ème dimanche du temps ordinaire, année C, le 11 août 2019

Publié le Publié dans Homélies

Père Przemyslaw KREZEL
Paroisse st Pierre et St Paul
en Val d’Azergues
Diocèse de Lyon

Les saints partagent aussi bien le meilleur que le pire
19ème dimanche du temps ordinaire, année C,
le 11 août 2019

Lectures :
Sg 18,6-9 : les saints partageraient aussi bien le meilleur que le pire
Hbr 11,1-2.8-12 (lecture brève) : la foi est le moyen de posséder déjà ce qu’on espère…
Lc 12,35-40 (lecture brève): Vous aussi, tenez-vous prêts…

Frères et sœurs bien-aimés,
Depuis quelques années, pour faire face aux fric-frac de tous ordres qui ne cessent pas, nos villages s’équipent de plus en plus de systèmes de vidéosurveillance.
Les caméras se multiplient partout…
Sans doute avez-vous déjà été filmés quelque part avant d’être arrivés à cette messe…
Du calme, pourtant, car au moins, ici, vous n’êtes pas surveillés !
Retenons-le une bonne fois pour toutes :
Dieu scrute les intentions du cœur de l’homme, mais il ne le traque pas.

Malgré les fameux dispositifs sécuritaires qui se propagent, les incivilités et les cambriolages continuent. On ne peut pas laisser nos voitures et nos maisons ouvertes comme il n’y a encore pas si longtemps…
Alors, pour pallier aux moyens techniques, on lance auprès des habitants des projets de sensibilisation à tout ce qui se passe autour d’eux.
Ainsi, nous pouvons, à l’entrée des villages ou des quartiers apercevoir ces panneaux : « vigilance citoyenne », « participation citoyens », « voisins vigilants » …
Peu importe les noms de ces projets, leur but est clair : motiver les gens, les faire réagir, les mobiliser et les faire contribuer à la sécurité.
Les effets ?
Il y en a de positifs, les statistiques policières nous l’indiquent…, toujours est-il que les effractions et les exactions font partie, hélas, de notre quotidien.
Par conséquent, avant de partir en vacances, que faisons-nous bien souvent ?
Malgré la conscience de caméras et de dispositifs d’auto surveillance, nous nous adressons personnellement aux gens de confiance de notre entourage.

Nous contactons donc un proche ou un ami…, et le plus souvent, nous nous tournons vers l’un de nos voisins avec qui nous avons les meilleures relations. Et tout cela afin qu’ils veillent particulièrement sur la maison lorsque nous même profitons de baignades au large de la méditerranée ou nous reposons à l’air frais de nos montagnes.
Le simple fait de confier les clés de notre maison à une personne concrète, sûre, qui jouit de notre confiance, nous tranquillise et nous permet de partir loin, l’esprit assuré.

C’est dans ce sens, justement, il nous faut entendre, aujourd’hui, l’Evangile que je viens de proclamer.
Le maître qui part pour ses noces est serein, car il a confié ses nombreux biens à des collaborateurs éprouvés. Ils n’étaient pas n’importe qui, puisque faisant partie de sa famille.

J’ai fait exprès de ne pas utiliser le mot « serviteurs », car notre mentalité actuelle lui donne un sens péjoratif, une appréciation majoritairement négative. Inconsciemment, sous l’influence du Capital de Karl Marx, nous pensons que celui qui embauche est forcément celui qui exploite et celui qui travaille est nécessairement grugé par celui chez qui il travaille.

Pendant l’action publique du Christ, donc, à une époque marquée par la culture et les coutumes romaines, les serviteurs faisaient partie de la maison.
Bien sûr, ils n’avaient pas le même statut que les hommes libres, mais ils n’étaient pas non plus traités comme des sous-hommes.
Ils faisaient donc partie de la grande famille du propriétaire, le pater familias, l’homme du plus haut rang dans une maisonnée romaine et qui détenait la patria potestas, – puissance paternelle sur tous les membres de sa maison. [1]
Il était donc responsable de tout et de tous, et, à ce titre, prenait soin de ses familiers, dont les serviteurs.

Notre Seigneur, relatant à ses disciples l’histoire du maître qui part pour ses noces, avait en tête justement cette image-ci de la famille et des relations sociales. D’ailleurs, dans l’enseignement du Christ, le mot « serviteur » n’avait pas de conation péjorative. Il disait même à ceux qui le suivaient de plus près : soyez des serviteurs les uns pour les autres… ; servez comme moi, qui ne suis pas venu dans ce monde pour régner, mais pour servir.

Je pense qu’à présent nous pouvons comprendre mieux le maître de la maison parti pour ses noces : il ne délaisse pas ses biens aux premiers venus ou aux gens de qui il fallait se méfier.
C’est évidemment le contraire : il peut partir loin puisque tranquillisé par la confiance qu’il ressent envers ses plus proches collaborateurs.
Le maître n’abandonne donc pas ses bien, il les confie !

Mes frères et sœurs bien-aimés,
Parfois, nous avons impression que Dieu est trop discret, voire absent de notre quotidien. Face à l’augmentation du mal et de la stupidité grandissante, nous nous interrogeons : où es-tu, bon Dieu ? Ne devrais-tu pas agir parfois et finir avec tout ce qui ne va pas dans le sens du bien ?

Mes frères bien-aimés, je pense que la réponse à ces interrogations est inclue dans le texte de l’Evangile d’aujourd’hui.
Dieu ne s’est pas désintéressé de ce monde !
Il ne l’a pas abandonné, il nous l’a tout simplement confié !

Dès le début, il nous crée et nous choisit comme collaborateurs, nous invitant à travailler à l’œuvre de la création. Avec nos talents, nous y participons, manifestement. Tout progrès scientifique, médical, technique témoigne que nous sommes des serviteurs talentueux et savons faire fructifier les compétences dont Dieu, le Créateur, nous a dotés.

Malheureusement, parfois, nous, serviteurs, oublions que nous ne sommes pas propriétaires de la maison commune, en l’occurrence du monde.
Nous n’en sommes qu’usagers momentanés.
Hélas, cet oubli gravissime, fruit de l’orgueil, fait que nous n’attendons plus rien de transcendent dans notre vie.
Nous n’attendons plus aucun maître. Nous l’avons annihilé dans nos têtes…, dans nos cœurs…

L’Évangile pourtant redit :

Un jour, tout touchera à sa fin…
Le fils de l’homme viendra à l’heure où n’y penserez pas.
Le maître reviendra à sa propriété. Il rentrera chez lui…
Qui y trouvera-t-il ?

J’espère, et je le souhaite à tous, que nous ferons partie de ces heureux serviteurs que le Seigneur, à son retour, trouvera en train de veiller.
Que nous serons dignes de la confiance que le Seigneur a mise en nous au jour de notre conception.
Soyons donc de bons collaborateurs de Dieu, qui n’agissent pas sous la contrainte ou sous la hantise des caméras de surveillance…,
Agissons plutôt comme membres de la famille, généreusement et de bon cœur,
à la manière dont nous parlait en première lecture le texte tiré du livre de la Sagesse :

Dans le secret de leurs maisons,
les fidèles descendants des justes offraient un sacrifice,
et ils consacrèrent d’un commun accord cette loi divine :
que les saints partageraient aussi bien le meilleur que le pire ;
et déjà ils entonnaient les chants de louange des Pères.

 

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Pater_familias