Lectures :
1 Sm 3,3b-10.19 : Le Seigneur appela Samuel, qui répondit : Me voici !
1 Cor 6,13c-15a.17-20 : Frères, le corps n’est pas pour la débauche.
Jn 1,35-42 : Voici l’agneau de Dieu.
Mes frères et sœurs bienaimés, vous serez satisfaits aujourd’hui, peut-être même plus que satisfaits.
Souvent, celui qui croit cherche des recettes toutes faites en réponse à ses soucis et à ses problèmes interminables. Dans ses prières ferventes et nombreuses, il demande un éclairage mais surtout une voix qui lui dira ce qu’il faut faire, pas à pas, pour s’en sortir et retrouver la tranquillité recherchée.
Cependant, et sans doute connaissez-vous des exemples qui prouvent que, fréquemment, aucune voix ne se fait entendre au cours de la prière et que le ciel reste bien nébuleux et impénétrable.
Ainsi, Dieu parait très peu loquace, si ce n’est même complètement silencieux.
Cette situation d’ailleurs sert d’excuse à certains qui se justifient un peu de manière infantile : J’ai vraiment prié Dieu… Je m’en suis vraiment donné pour une telle intention, pour une telle personne mais rien, « que dalle » !
Du coup, je ne prie plus, je ne me pose même plus la question : est ce que je crois encore ?
A part le drame personnel de la personne qui vit de tels moments dans sa vie, il faut surtout souligner une grande incompréhension.
Dieu n’est pas un robot programmé pour exécuter les demandes de son constructeur.
Il est une personne, d’où la nécessité d’entrer en relation avec Lui.
De surcroît, il ne s’agit pas d’une relation fortuite, superficielle, occasionnelle, comme on peut en avoir avec la caissière de supermarché avec laquelle on échange un sourire si elle est avenante, quelques phrases si elle est sympathique, un regard prolongé si elle est belle…
Après tout, une minute plus tard, on pousse notre chariot vers la sortie et la jolie caissière disparait de notre tête. Et l’on passe à autre chose.
Dieu ne veut pas qu’on lui réserve le même traitement que celui de la caissière.
Il cherche une amitié durable et celle-ci se construit au fil des jours et des évènements.
C’est pourquoi je suis tout heureux qu’aujourd’hui, en parlant de Samuel, nous puissions trouver un réel mode d’emploi pour commencer à tisser une relation vraie, en cœur à cœur et face à face avec Dieu.
J’ai utilisé le mot « commencer » car ce que la première lecture d’aujourd’hui raconte concerne seulement le début de la relation entre le jeune Samuel et Dieu.
Mais je pense qu’un bon démarrage vaut de l’or. Si l’on commence correctement, à priori, par la suite, les choses sont engagées sur la bonne voie.
Ecoutez donc bien, mes frères bienaimés : si vous voulez vraiment entendre la voix du Seigneur, être capable de la comprendre, il faut d’abord savoir la reconnaître.
N’est-il pas vrai pourtant que, parfois, et même souvent, nous prenons notre propre voix intérieure pour la voix de l’Esprit Saint ?
Nous pensons dialoguer avec Dieu en personne et, finalement, nous ne dialoguons qu’avec nous-même. La prière n’est plus un échange fructueux,
elle n’est qu’un monologue qui ne traite que de nos propres émotions.
Je me souviens d’une situation quelque part dans une paroisse où une personne était la source de ragots bâtis sur la jalousie.
Cela concernait le prêtre de la paroisse. Apprenant donc qu’il était dans son collimateur, il essaya de contacter la personne en question.
Curieusement, celle-ci prenait soin de ne pas répondre à ses messages. Mais le hasard voulut qu’un jour, à la sortie d’une messe, il la croise ; il en profita donc pour lui dire : je voudrais vous voir car il faut éclaircir un sujet épineux.
Elle ne s’est même pas arrêtée et lui a seulement jeté au passage :
- Pour moi, tout est clair. Même le Seigneur est d’accord avec moi.
- Quel Seigneur ? – s’offusqua le prêtre – peut être le diable, car lui est père des calomnies.
Hélas, trop souvent, nous prenons nos propres impressions pour celles du Seigneur et l’histoire démontre, et pas qu’une seule fois, que les illuminés
et ceux qui se prenaient pour les sauveurs du monde ne traitaient, en fin de compte, que de leurs propres idées et leurs interprétations maladives.
Maintenant, revenons-en à Samuel.
Afin que celui-ci puisse reconnaître la voix du Seigneur, il lui fallut donc du temps… et du silence.
Avez-vous noté que toute l’histoire se déroule durant la nuit, quand les activités sont arrêtées, les va et vient endormis, le bruit estompé ?
Il est compliqué d’entendre l’autre lorsque le vacarme l’environne.
Combien de fois devons-nous dire : baisse le son de ton poste de télé ou ferme la porte car je ne comprends pas ce que tu dis.
Il en est de même avec Dieu, d’autant plus que la voix du Seigneur est feutrée. Il faut donc du silence, de l’inactivité, du repos.
Si vous étiez dans une abbaye, ou si vous faisiez une retraite dans une communauté religieuse, sans doute relateriez-vous, au retour, que vous avez bien pu prier car le silence du lieu vous le permettait.
Et c’est tout à fait naturel.
Parce qu’il est en effet difficile d’entendre la voix du Seigneur dans un marché aux puces où règne la vente à la criée et les cris haranguent les badauds-chineurs:
achetez, achetez, occasion unique, Madame, Monsieur, tout à vil prix.
Afin que la voix du Seigneur soit entendue, pour moi, le choix du lieu aussi n’est pas anodin.
Les églises et les petites chapelles – même celles qui, parfois, sont délaissées au cruel rongeur qu’est le temps – sont des lieux propices pour entendre la voix du Seigneur. (La Vierge à midi de Paul Claudel ou le chant : la petite église qu’adorait Roger?)
Elles thésaurisent l’air céleste. Sous leurs voûtes s’envolent toutes les prières que les gens ont dites… ou disent encore.
Même si le culte est parfois arrêté depuis longtemps, les murs de nos églises sont chargés de mystère, d’une présence.
Ainsi, ne les traitons pas comme des salles polyvalentes, ne les désacralisons pas par notre comportement inadapté ou par le tintamarre de discussions banales.
Toute église, toute chapelle est un espace sanctifié.
Bien évidemment, Dieu peut se faire entendre partout mais, dans les lieux propices à la prière, au silence, à l’intériorisation, au recueillement, sa voix est plus audible, car elle est vraiment recherchée, espérée, écoutée.
La troisième condition importante pour
que nous puissions entendre
et reconnaître la voix du Seigneur, après le silence et le lieu sacré, c’est la
nécessité d’avoir un maître spirituel.
Dans
notre langage actuel, il faut parler du père spirituel, d’un confesseur,
d’un moine ou même d’un laïc expérimenté dans la vie de la foi.
Avoir quelqu’un à nos côtés qui, lui-même, possède une expérience personnelle du Seigneur nous aide à progresser sur la voie de la sainteté. Nous avons besoin, comme Samuel, d’un Eli, vieil archiprêtre assidu à la prière, qui a aidé Samuel à reconnaître la voix de Dieu.
Certes, il y a des situations particulières comme celle de la vocation de Saul,
futur Paul, qui fut directement abordé par le Seigneur sur le chemin de Damas.
Néanmoins, Paul a découvert vraiment la foi en Christ plus tard, pendant plusieurs années, en la méditant dans un lieu désert. Ce n’est qu’après qu’il est parti en mission et s’est présenté une fois à St Pierre, le premier pape de l’Eglise du Christ.
Alors, à part quelques exceptions, on découvre la foi grâce à l’accompagnement de ceux à qui elle a déjà été révélée.
Si l’Eglise, lors du sacrement du baptême, exige d’avoir un parrain et une marraine, c’est justement parce qu’Elle est convaincue que le nouveau baptisé a besoin d’un tuteur, d’un soutien pour que sa foi ne tombe pas à l’eau et puisse grandir.
Une fois que les parents, secondés par le parrain, apprennent à leur enfant ou à leur filleul à reconnaître la véritable voix du Seigneur, ils peuvent le laisser seul, en face à face avec Dieu, comme ce fut le cas d’Eli et de Samuel, lorsque le second avait eu compris que ce n’était pas Eli qui l’appelait mais le Seigneur. A ce moment-là, Samuel répondit humblement : parle, ton serviteur écoute.
L’auteur du livre de Samuel a noté ensuite :
Samuel grandit. Le Seigneur était avec lui et il ne laisse aucune de ses paroles
sans effet.
Et ce sera votre cas, mes frères et sœurs bienaimés : vous serez exaucé à chaque fois, à condition que vous sachiez au préalable distinguer la voix du Seigneur de la vôtre, pervertie par l’ambition, la jalousie, les désirs de tous ordres.
Alors vous verrez : une fois familiarisé avec la voix du Seigneur et votre application à faire sa volonté, beaucoup de vos demandes apparaîtront bien fades, non avenues, tout simplement futiles car vous atteindrez un autre niveau dans la connaissance de Dieu. Vous discernerez donc mieux quelles sont les véritables nécessités pour vous et pour les autres…
C’est ce que je vous souhaite de tout mon cœur de pasteur.
Amen.
Père Przemek KREZEL, curé +