Lectures :

Jr 20,7-9 : La Parole du Seigneur a été pour moi source d’opprobre et tout le monde se moquait de moi

Rom 12,1-2: …transformer-vous en renouvelant votre façon de penser…

Mt 16,21-27 : si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même.

Jérémy, tel que nous le découvrons dans les pages du livre qui lui est attribué et dont un fragment a été entendu en première lecture, paraît bien proche de nous.

Nous nous sentons donc sous les traits d’un croyant pratiquant…
qui trouve pourtant que Dieu lui en demande trop : être prophète, être la voix du Seigneur, être celui qui doit dire à ses compatriotes certaines vérités que les bien-pensants et ceux qui sont au pouvoir refusent d’entendre.

L’époque était alors menaçante : la gloire de l’état du peuple juif ne brillait plus.
Sa renommée de l’époque des règnes de David et du sage Salomon était passée aux oubliettes.

D’autres puissances émergeaient, et les Juifs n’entreprenaient pas de réformes.
Ils ne voulaient pas affronter la réalité : ils faisaient semblant.

Alors, rien d’étonnant à ce que les messages de Jérémy n’aient pas plu à Jérusalem.

Du coup, le pauvre Jérémy connut la prison, fut brutalisé puis exilé en Egypte. N’ayant ni femme ni enfant, s’étant consacré entièrement au renouveau spirituel de son royaume en faillite, il éprouvait un sentiment d’inanité pour sa mission…
Et c’est exactement dans cet état que nous le retrouvons aujourd’hui.

Il se plaint, à longueur de journée : je suis en butte à la raillerie, tout le monde se moque de moi.

Mais pourquoi, s’interroge-t-il ?

Sa réponse est directe :

la parole du Seigneur attire sur moi l’insulte et la moquerie.

                 Mes frères et sœurs bien aimés, 26 siècles séparent l’époque du prophète Jérémy de la nôtre et pourtant, on a l’impression, du moins me semble-t-il, que beaucoup de bons catholiques, pratiquants, sincères dans leur foi, souscrivent inconsciemment à la réponse que Jérémy s’est donnée.

Nous avons donc le sentiment que nos points de vue, pourtant réels et justifiés, ne sont pas pris en compte et que, le plus souvent, ceux-ci subissent des déformations et sont ridiculisées.

Nos arguments documentés, appuyés sur des études, des statistiques et le bon sens sont balayés d’un revers de main par une énième décision du conseil d’état ou par des scientifiques ou par le vote des députés.

Paris, comme autrefois Jérusalem, ne veut pas entendre les vérités pourtant évidentes car si elles étaient prises en compte, l’Etat et toute sa machinerie de demi-vérités et de bien-pensance seraient obligés d’être stoppés.

Il est préférable de faire semblant de réformer l’Etat, de nier l’ensauvagement des mœurs et des relations, de museler la population sous un prétexte quelconque, même sanitaire, bref, de se voiler la face tout en combattant le voile chez les autres, pour ne pas affronter la réalité.

Ainsi, on avance courageusement, les yeux bandés et, au nom du progrès, on fait un pas en avant, et tant pis si celui-ci nous jette dans un précipice.

Mes frères et sœurs bien aimés,

Je suis désolé de clore les vacances avec un tel sujet mais ce n’est pas moi qui suggère les sujets de mes homélies : ce sont les textes que l’on trouve dans les lectionnaires et les événements qui nous entourent.
Toute homélie reste donc une réflexion…, la réactualisation de la Parole de Dieu adressée à tout homme vivant dans le temps présent.

Vous comprendrez donc que je ne puisse me contenter d’analyser les textes
sans faire référence à la situation actuelle. D’autant plus que celle-ci est extrêmement préoccupante et je ne suis pas le seul à le dire. Des penseurs et des écrivains dont les origines et les croyances sont parfois bien éloignées des miennes font le même constat du monde qui est le nôtre.[1]

Les dernières lois, dites de bioéthique, qui n’ont plus rien à voir avec l’éthique, au moins dans le sens premier du mot, montrent que la folie de l’eugénisme et de l’infanticide progresse, et pourtant, Dieu sait si on l’a dénoncée chez les nazis !

Chez eux, ce n’était pas bon, mais aujourd’hui, on nous la présente comme un signe de liberté des femmes, maîtresses de leur corps, et celui des droits
à l’enfant.

Alors, que faire ?

Que dois-je faire en tant que croyant dont la parole n’est plus audible ou souvent discréditée ?

Tout simplement me taire ?

Il y a une semaine à peine, j’étais en déplacement en Vendée, fief du catholicisme d’autrefois et j’y ai rencontré de tels catholiques, délibérément silencieux.

Tout d’abord, un couple de quadragénaires, pas plus âgé, fort sympathique, avec lequel nous avons échangé longtemps sur plusieurs sujets.
A un moment, la femme m’a dit :

Avec mes collègues de travail, quand nous abordons des sujets sociétaux et que je ne partage pas leur point de vue, je me retire, je ne participe pas à leur discussion.

Le lendemain, à la fin d’une messe célébrée en plein air, presque au bord de l’océan, un couple de personnes d’âge avancé m’accoste et nous échangeons pendant une dizaine de minutes.

De nouveau, j’entends :

Vous savez, c’est compliqué de dire tout cela aux gens.
Alors, on ne le dit pas car de toute façon, on ne convertira pas nos amis.

Et, manque de chance, le surlendemain, j’entends presque la même chanson…

J’ai donc visité une petite chapelle sous le vocable de Notre Dame de la Redoute car elle a été rebâtie sur les ravins d’une redoute, c’est-à-dire une sorte de fortification militaire avancée.

C’était sur l’île de Ré, près du village des Portes-en-Ré.

J’y ai rencontré un bénévole qui s’est présenté à moi pour me faire connaître l’histoire de la chapelle. Cet homme de 90 ans, parisien, passionné, très sympathique, s’est décrit comme étant catholique pratiquant lorsqu’il a découvert que j’étais prêtre – j’étais habillé en short et chemise de vacances.

Et alors, il m’a dit :

Vous savez, mon Père, je ne dis pas que je suis catholique devant tout le monde car ça fait grincer des dents.

Je vous laisse apprécier ou pas les exemples évoqués.

Je dois pourtant souligner une chose : certains, peut être même la majorité d’entre nous, nous identifions à ces personnages car, dans nos lieux de vie, de travail ou de voisinage, nous avons vécu de semblables situations.

Pourquoi contredire, pourquoi s’opposer, pourquoi présenter des arguments si nous jugeons la cause déjà perdue d’avance ?

Je vous comprends, je ne vous juge pas.

Cependant, je veux que nous poussions plus loin notre réflexion car la fin du texte du prophète Jérémy mais également celui de St Paul nous donnent
une autre possibilité d’agir.

Personnellement, je la pense meilleure que la précédente.

Certes, Jérémy constate que les mots francs, vrais, directs, ne vont pas de pair avec la popularité, bien au contraire. Alors, il essaye de se retirer du vif du combat. Il essaye de se laisser aller au gré du vent des opinions du moment, mais son honnêteté et la puissance de Dieu ne le lâchent pas !!!

Jérémy avoue, à la foi désespéré et renforcé :

je ne penserai plus à lui – c’est-à-dire à la Parole du Seigneur – je ne parlerai plus en son nom.

Mais il y avait en moi comme un feu dévorant au plus profond de mon être.
Je m’épuisais à le maîtriser sans y réussir.

Mon frère, ma sœur,

Prends d’abord ton temps et réponds à cette question :

Y-a-t-il le feu de Dieu en toi ?

Peut-être ne te sens-tu plus la lumière du monde…, peut-être le goût de ta foi ardente en Dieu est-il passé ?

Les apparences sont encore là : tu es un bon Chrétien, baptisé, tu as fait ta première communion, tu t’es marié à l’église, tu pratiques assidument, mais… mais…, un vide… s’est installé… une faiblesse, un certain abandon,
une flemme…

Les lampes des Vierges insouciantes, appelées dans les anciennes traductions sans détour Vierges folles, n’étaient pas moins belles et brillantes que celles des Vierges sages.

La seule différence, c’était le manque d’huile, c’est-à-dire la base de leur lumière.

Alors, si l’on veut faire quelque chose pour les autres et pour le monde, il est d’abord nécessaire de redécouvrir le feu, signe des dons de l’Esprit Saint
qui nous ont été offerts le jour de réception d’un des 7 sacrements.

Sans le feu de la connaissance, de la force, de l’intelligence, de la piété, du conseil, de la sagesse, de la sainte crainte, toute notre action serait vouée à l’échec, car basée seulement sur l’effort humain.

Malgré une opinion répandue, l’action d’évangélisation ne devrait pas d’abord être adressée au monde mais à nous qui en sommes le premier récipiendaires…

Relisons St Paul dans sa lettre aux Romains :

Ne prenez pas pour modèle le monde présent mais transformez-vous en renouvelant votre façon de penser pour savoir reconnaître quelle est la volonté de Dieu.

Le disciple du Christ se soucie surtout de reconnaître la volonté de son Maître. Ensuite, il se remet en cause, il se renouvelle, il se convertit.

Il est comme la levure dans la pâte.

Il la travaille…, il l’exploite…, il l’explose de l’intérieur.

La réforme ou la conversion du monde, comme vous voulez, pour le Chrétien, ne commence pas par les actions imposées de force aux autres mais par leur offrir des propositions novatrices et créatrices.

Regardez bien, l’Evangile était à ses origines une proposition alternative au monde des Juifs vivant sous le régime des Romains.

C’était une contre-culture vis-à-vis de ce que proposait leur monde.

Le Christ ne courait pas derrière le monde et ses idoles en criant, aimez-moi, aimez-moi…, soyez gentils !

Bien au contraire….

En disant, je vous aime et je suis prêt à donner ma vie pour vous, Il a rompu avec l’hédonisme et l’égocentrisme de la pensée dominante. Appelant à la vertu, Notre Seigneur a proposé un modèle de vie nouveau.

Son exemple et son enseignement bouleversaient l’opinion publique, soulevaient des oppositions, mais en même temps, ils étaient une solution au mal ambiant.

Et beaucoup de contemporains qui l’écoutaient l’ont bien compris…

Ainsi, ce n’est pas le Christ qui courait auprès du monde, c’est le monde qui courait derrière Lui.

           Je vous choque peut-être mais je crois que votre intelligence est capable de saisir le fond de ma pensée.

Alors, mettons davantage d’énergie à notre propre conversion, transformons-nous d’abord afin de nous approprier la figure de l’homme nouveau dont le Christ parlait. Ne soyons pas chrétiens de façades…

Vivons l’Evangile dans ses exigences…

Et le monde nous suivra !

Il changera forcement, en nous voyant beaux, heureux, cohérents, car tel qu’il veut devenir à présent, il n’a aucune chance de survivre longtemps.

Et tant pis si une partie de lui s’écroule sous le poids de ses utopies et de ses folies.

Si les gens veulent se marier avec n’importe qui, avec une poupée gonflable ou avec leur animal de compagnie, que sais-je, alors qu’ils se marient !

Ils ne se reproduiront plus, bon débarras !

Si le monde veut manipuler la procréation qui ne respecte plus la nature mais les préconisations des statisticiens et démographes, qu’il le fasse…, l’avenir  déchantera, son excès d’orgueil lui reviendra, lui jetant en pleine figure les conséquences de ses erreurs. 

Si le monde propose d’accélérer l’accès à la mort à volonté pour ceux qu’il juge improductifs ou qui ont assez vécu, c’est triste…. mais qu’il le fasse.., ainsi il s’auto-épuisera !

Laissons donc de côté cette partie du monde qui ne souhaite rien entendre et disparaître car elle le désire sans s’en apercevoir.

Vous savez, parfois, la meilleure leçon est l’expérience du doigt brûlé et de la cheville  tordue.

Il faut laisser ce monde se cogner fortement la tête afin qu’il se remette debout…

A ce moment-là, il aura besoin des hommes ressuscités, renouvelés par la grâce, éduqués par l’Evangile, orientés vers Dieu, bref : des communautés de disciples du Christ.

Il faut que nous y soyons préparés.

Il faut que nous soyons au rendez-vous !

Alors, le glas du monde d’autrefois sera remplacé par la volée d’un monde nouveau, parce que le Fils de l’Homme revenant avec ses anges dans la gloire
de son Père, rendra à chacun selon sa conduite.

                                             Amen, Maranatha, viens Seigneur Jésus.

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[1] Je ne citerai que : Rémi Braque, G.K.Chesterton, Michel Houellebecq, Alain Finkielkraut, Michel Onfray, Jean Raspail, Friedrich H.Tenbruck, Philippe de Villiers, Bertrand Vergely, Eric Zemmour